Revu et j'ai beaucoup aimé finalement.
Je reviendrai plus en détail sur Ritual mais il y a cette notion de temps présente dans toute son oeuvre qui lui semble importante.
Les personnages chez Hideaki Anno sont malades, leur environnement les écrases et le temps, le lendemain les angoisses, dans Ritual on a cette jeune femme qui refuse de voir le lendemain, ici une jeune fille qui ne sait pas de quoi est fait le lendemain, qui se demande si elle va changer, et qui va se contenter d'assouvir ses besoins consumériste du jour pour passer le temps dans une vie où tout semble identique et se répéter inlassablement.
Elle a une journée pour rassembler plus de 1000 balles pour s'offrir un magnifique bijou soldé!
Il y a un peu de beauté dans ce film par l'amour mutuelle que se porte ce groupe de copines, mais peut-être que Hiromi se trompe quand elle nous dit que les vraies amies sont celles qui ne forcent pas l'autre à parler mais qui sont à l'écoute quand au contraire l'une d'entre elles à besoin de se confier, il y a tellement un mal être profond chez ces jeunes filles qu'il faudra plus que leur tirer les vers du nez pour les aider...certain(e)s ont besoin qu'on les prennent par la main ou d'un gros pied au cul pour leur venir en aide. Finalement ça renvoi un petit peu à ce que disait Anno à la fin d'Evangelion.
Le plus alarmant que cette pratique du Enjo kōsai fait parti du quotidien japonais...c'est quelque chose de reconnu et c'est ça qui est d'autant plus glauque, c'est quelque chose de très instauré dans leur système...d'après Wiki 20% des lycéennes pratiqueraient cette activité c'est dingue.
Je ne sais plus comment j'étais tombé sur une vidéo où Anno se filmait en train d'utiliser un service de Telekura et dans le film une des filles tombe sur une messagerie où les paroles de l'homme à l'autre bout du fil sont quasi identiques à celles de Anno, c'est vraiment glauque
La mise en scène est totalement folle, alors bien entendu c'est peut-être inutilement extrême parfois, il y a peut-être quelques procédés plus ridicules que d'autres (franchement ce format vertical de la taille d'un cure dent c'est trop ) mais on est tellement dans un montage cuté à mort où tout parait tellement éphémère, fugace, où ces jeunes filles ont ce besoin de consommation insatiable, la mise en scène le traduit très bien. Tout est froid, mécanique, répétitif, le film est assez étouffant et même le décors familiale est envahit, à petite échelle, par une structure mécanique démesurée dans le salon.
On pourrait penser que ces délires en tout genre sont gratuit mais quand je vois la séquence du Love Hotel avec Asano et ce sentiment d'angoisse et de claustrophobie que la situation m'a filé, je me dis que le type sait très bien ce qu'il fait et qu'il y a du talent derrière toute cette avalanche d'effets (bien jouissif parfois).
Un grand film fait avec...des petites caméras DV uniquement.
Message édité
Au tout début, ca a été dur, parce que le film veut volontairement bousculer avec sa mise en scène. Et après c est étonnant comment c est lisible, c est fou comment on arrive à repérer tout de suite les personnages sans jamais perdre focus sur eux. Même quand ça vire en contre jour, avec les dix milles fondus ou ces longs plans de pieds :insert-tarantino-joke:
Et les propos est très limpide et passionnant, c est vraiment une super mise en introspection. Même si j avoue que y a de ces sous-titres, faut lire et comprendre vite.
N empêche, on m aurait dit que tu peux faire un plan "point de vue de jupe" sans être gratuit, j aurais pas cru.
Les jeux de formats sont incroyables. Pas d un point de vue formel, mais plus en terme de mise en scène, ça traduit très bien les sensations dans le film et ça ne te sort pas du film, tu trouverais ça presque normal. Par exemple, le champ contre champ entre Hiromi et Captain Eo où le format 4/3 se décale à gauche puis à droite, c est le truc en temps normal gadget qui réussit à s inscrire dans une logique de mise en scène.
Chapeau. Mais c est éprouvant, faut admettre.
Pour le propos, bah on peut difficilement l exprimer mieux que le film lui même. Le pire, ça me choquait même plus, tellement c est culturel dans les grandes villes du Japon. Et c est aussi une qualité du film, pointer le doigt sur le truc sans partir sur un ton alarmiste.
Sur le même sujet tu as Bounce Ko Gal, très cool aussi dans mes souvenirs.
Hideaki Anno est un pur génie quand il s'agit de développer une imagerie propre aux troubles de ses personnages. Alors ok le type a aussi souffert de troubles de la personnalité borderline et de dépression sévère mais arriver à transformer toutes ces pensées en un Kaléidoscope cohérent et lisible oui, d'images propre au cinéma, c'est un sacré tour de force. Parce que Love & Pop ça reste encore un film assez déchaîné - bien qu'avec de très beaux moments aussi - d'un type qui,quelques petites années auparavant étaient encore sur Evangelion et qui avait encore du mal à trouver une forme de stabilité intérieur (Il me semble qu'il était encore en dépression cette année là). Je trouve que le film reste quand même assez optimiste sur la fin avec le fameux rêve de Hiromi mais il y a encore quelques réserves sur son rétablissement.
Tu fais bien de parler du champ contre champ au Love Hotel parce que c'est à ce moment là que je me suis dis que ouais, sa mise en scène a quand même quelque chose à raconter par ce qu'elle te procure, alors qu'avant ça et bien que l'ayant vu pour la seconde fois je trouvais ça un peu gratuit et juste amusant.
La vidéo dont je parlais https://www.youtube.com/watch?v=rTR0rRkrF8s&t=418s on est vraiment dans le genre d'endroit d'écrit par téléphone je crois ? Une petite salle, un téléphone et des mouchoirs. L'extrait est dingue, déjà parce que ça nous renvoie carrément à Love & Pop mais il y a cette discussion avec une fille au milieu de la vidéo où ils discutent de Evangelion et je le trouve quand même magnifique cet échange, je ne sais pas si ça a été tourné avant ou après le film mais ça m'étonne pas du coup qu'il y ait cette sensibilité envers Hiromi, même si on reste dans du constat sans pointer du doigts comme tu dis, ça n'empêche pas qu'il l'aime son personnage, ça se voit.
Je fais un bon en arrière sur la fin de mon premier paragraphe mais tu dois vraiment voir Ritual, c'est une sorte de chant du cygne thématique et thérapeutique par la même occasion, formellement c'est plus posé, mais il y a une utilisation de l'environnement vraiment singulière, perso ça m'a renvoyé à la nouvelle vague japonaise et même aux débuts de Obayashi quand il expérimentait sur ses courts métrage. Je devais écrire un avis dessus mais je n'y arrive pas du tout. Contrairement à certaines personnes qui trouvent ça prétentieux (j'ai toujours un problème avec cet adjectif, moi je trouve qu'il en faut des réal prétentieux même si j'ai souvent du mal à savoir pourquoi on les caractérise comme tel surtout pour ce film-là ) et symboliquement lourd (chose que j'ai détesté dans son anime) alors que les symboles sont beaux et très simples en même temps...
Merci pour ce retour très détaillé, je me mate Ritual dans la semaine.
Décidément, ça m a l air d être un bonhomme haut en couleurs, ce réal.
Pour Ritual c'est un trio complètement gagnant, le film ne pouvait qu'être réussi au vu du réal et du casting : chacun à pu imprégner le film de sa propre expérience de la solitude, l'isolement, de la peur de l'abandon etc... Shunji Iwai est un habitué de ces thèmes là et Ayako Fujitani je te laisserai un petit peu chercher , enfin ils sont vraiment passionnant tous les 3 quand tu t'intéresses un peu plus en profondeur à la production du film.
Et quand tu lis quelques articles sur le Trouble de la personnalité borderline tu te rends comptes à quel point Ritual est une magnifique mise sur pellicule des manifestations de cette maladie.
Si tu es curieux tu as Cutie Honey à voir aussi , un film haut en couleur pour le coup.
Ah oui, Cutie Honey adapté par ce mec, ça doit donner quelque chose. (bon, c'est pas toujours vrai, j'avoue, comme me le rappelle assez douloureusement The Drifted Classroom)
