C'est un film d'un bon niveau, l'histoire est très intéressante sur le méfaits du journalisme spectacle. Par contre c'est une des rééditions les moins réussies pour Criterion.
Premier échec de la carrière de Billy Wilder à sa sortie en 1951, Le Gouffre aux chimères peut être considéré aujourd’hui comme l'une des plus grandes réussites de son auteur.
Film acerbe, implacable, visionnaire sur le journalisme « à sensations », le film n’a rien perdu de sa puissance et de sa virulence. Le miroir qu’il tend au public moyen qui se repaît du malheur d’autrui est d’un réalisme sans fards. Le fait-divers, le drame humain exploité à des fins mercantiles, transformé an cirque médiatique, nous le voyons tous les jours sur nos écrans de télévision et dans la presse à scandale. Rien n'a changé. Le résumé est simple : pour redevenir le journaliste vedette qu'il n'est plus, Charles Tatum, journaliste sans scrupules, s'empare d'un fait divers banal et le transforme en tragédie nationale. Au Nouveau-Mexique, dans un ancien territoire indien, Leo Minosa, chasseur de trésors indiens, est coincé au fond d'une galerie effondrée. S'arrangeant pour etre le seul journaliste sur le coup, Tatum va persuader le sherif de choisir la formule de sauvetage la plus lente. Tatum va devenir l'amant de la femme de la victime et poussera l'hypocrisie jusqu'a devenir l'ami de Leo.
La démonstration est magistrale même si la fin, un peu convenue, retrouve le camp de la morale : l’intérêt du spectateur est toujours soutenu, le punch et l’efficacité de la mise en scène ne faiblissent pas et Kirk Douglas trouve là un des meilleurs rôles de sa longue carrière. Il est toutefois inconcevable que ce chef-d’oeuvre ne soit pas disponible dans une édition dvd française et seulement en édition anglaise ou espagnole. Pour ma part, je l’ai revu à la télévision sur Paramount Channel. Messieurs les éditeurs, au travail.
Wilder s'attaque cette fois au monde du journalisme et le fait avec son sens de la satire et du cynisme habituels. Inutile de dire que le portrait qu'il en dresse est peu glorieux puisqu'on présente non seulement les journalistes comme avides du scoop et prêts à tout pour l'obtenir mais également prêts à fabriquer l'information, à mettre des vies en danger juste pour rendre l'affaire encore plus juteuse. D'ailleurs le film ne se limite pas au journalisme puisqu'il montre bien tout cet engrenage qui finit par se développer autour de l'affaire, avec chaque partie impliquée qui en tire profit à sa manière.
Mais bon l'approche garde une certaine nuance, notamment via le boss de Kirk Douglas qui lui représente plutôt une figure de journaliste intègre et en quête de vérité. D'ailleurs le perso de Douglas est assez parfait, un vrai anti-héros admirablement interprété mais auquel le film apporte quelques nuances, notamment dans le tout dernier acte.
J'adore comment le film parvient à rester passionnant avec cette histoire pourtant assez statique, il y a une vraie montée en puissance à mesure que l'affaire prend des proportions complètement surréalistes (il faut voir comment Wilder met en scène les foules et cette cohue incessante), tout en gardant un angle humain et sincèrement déchirant à travers le personnage de Leo.
Un film à la fois jouissif et terriblement noir, mais surtout admirablement écrit, mis en scène et interprété.
