Ces rencontres avec eux

Mon CL
  • Connectez-vous
Outils
  • Connectez-vous
Gestion
  • Connectez-vous
Commentaires
14/10/2019 17:12:32
Autant de 10? :doute:
14/10/2019 21:40:56
Alvy-Singer la team Vision a encore frappé ! :ok:
14/10/2019 23:31:04
La team vision? J'avoue ne pas savoir de quoi il s'agit!
En tout cas je n'avais jamais vu un film sur CL avec deux tiers de 10!
:ouch:
15/10/2019 13:39:05
La team Vision, c'est des gens avec une forte individualité et des gouts très différents. La preuve, elle n'existe plus.
16/10/2019 02:53:29
Alvy-Singer : je ne parle qu'en mon nom, à chacun les raisons de sa note, mais pour moi il s'agit de l'un des films les plus importants de ces vingt dernières années (et l'un des plus beaux films de Straub-Huillet, qui comptent parmi mes cinéastes favoris).

L'autre jour nous parlions de Griffith avec un ami, et je disais qu'il y avait chez Griffith une "dimension écologique", particulièrement frappante dans ses films ruraux (comme Le Pauvre amour par exemple), qui consiste à accorder une attention pleine et égale à l'ensemble des éléments du plan, dans ses moindres détails, de sorte à ce qu'il y ait une forme d'harmonie sensible de l'environnement -harmonie entièrement renouvelée à chaque plan, qui bénéficie d'un travail de reconstitution "individualisé" pour assurer l'autonomie de son énergie naturelle, tout en préparant au mieux le terrain des contrastes possibles et de le rythmique du montage.

Je disais ça, en gros, et mon ami m'a répondu que s'il voyait à quoi je faisais allusion, ça ne lui semblait pas tout à fait juste de parler du cinéma de Griffith en ces termes, puisqu'ils supposent une extrême sophistication, prenant appui sur toute une culture de l'image dans laquelle nous baignons, avec quantité de clichés à partir desquels il faut trouver, si l'on est cinéaste, des solutions pour s'en départir, les effacer, les contourner, les subvertir... bref des questions qui se posent fondamentalement à quiconque souhaite réaliser un film aujourd'hui mais qui, au temps de Griffith, n'existaient même pas. Cette inexistence-là suppose une forme d'"innocence originelle" de l'image griffithienne, ou du moins une ouverture au monde, par la caméra, beaucoup plus simple et directe : pour Griffith, tout reste encore à filmer. Et chaque plan est l'occasion de s'émerveiller devant la vitalité de ce que le cinéma est en mesure d'enregistrer (bien que, bien sûr, tout ça s'accompagne toujours chez Griffith d'une grande violence des rapports humains, d'une barberie sociétale qui fait souffler sur l'harmonie naturelle un vent saisissant de fureur).

Tout ça pour dire que je retrouve dans Ces rencontres avec eux cette "dimension écologique" griffithienne, cette innocence originelle miraculeusement retrouvée (à force de travail sans doute, un travail considérable de gommage du cliché pour retrouver l'impureté essentielle du réel enregistré), avec une intensité unique et incomparable (il n'y a que Benning peut-être aujourd'hui, qui me donne un sentiment aussi vif de présence autonome des êtres et des choses filmés). Straub et Huillet aimaient profondément Griffith, mais aussi Cézanne, et l'on retrouve cette franchise, cet art de l'affirmation simple, ferme et sans séduction des reliefs de la nature. Le bruissement des feuilles au contact du vent, les verts multiples de la forêt, l'ombre des arbres sur les rochers... tout est vraiment là, à sa juste place, discrète et nécessaire, anodine et fondamentale.

Puis, comme chez Griffith là encore, une tension naît des rapports entre les êtres humains. Il y a cinq dialogues, chaque fois deux personnages (toujours un homme et une femme, sauf dans le dernier ou ce sont deux hommes, des chasseurs), et toujours les corps sont plantés là, presque statiques, aux tons de couleurs détonnant dans l'environnement, comme s'ils opposaient physiquement une résistance au mouvement du paysage dans lequel ils se trouvent. Ce sont des grandes figures, presque des dieux, mais des dieux contre, immobiles, monumentaux. La parole circule d'un corps à l'autre, elle fait le lien, ouvre la voie vers un possible dialogue. Ces mots de Pavese, dits si musicalement par les uns et par les autres, sont comme le chant des humains qui s'élève, dominant la nature mais s'y fondant également. On y parle beaucoup de vie et de mort, et c'est ce qu'on voit aussi : la concentration d'une puissante énergie vitale contenue dans des corps impassibles, d'où naissent une parole et parfois quelques gestes, chaque fois déclencheurs d'une tension bouleversante qui tend vers l'harmonie. Cézanne : "Il n'y a pas de ligne, il n'y a pas de modelé, il n'y a que des contrastes".Message édité
16/10/2019 02:56:20
bon, c'est un peu vague et précipité, mais ça peut peut-être donner une petite idée de ce qu'il y a à voir dans le film, qui témoigne d'une attention et d'une pudeur admirables vis à vis de ce qui se présente à la caméra Message édité