Notes
Touki Bouki
Djibril Diop Mambéty - 1973
Je n'ai vu seulement que deux films du cinéaste mais les motifs se répètent d'une œuvre à l'autre si bien que Brian de Palma me semble faire partie de ces cinéastes qui expérimentent sans cesse pour atteindre la perfection. La scène du vestiaire des filles est sublime entre le ralenti, les corps dénudés, la sublime partition de Pino Donaggio, contrairement à Pulsions dont la tension sexuelle se jouait entre une femme désespérément et un mari hors de portée ici j'ai juste l'impression que le réalisateur veut faire plaisir au spectateur, dans un premier temps, pour ensuite se diriger vers une Carrie dont les premières règles seront le point d'ancrage de tout ce qui se déroulera ensuite : on est toujours dans cette idée de pulsion/répulsion sexuelle.
Ce qui m'a surpris, au-delà d'avoir une atmosphère terrifiante dans la maison monacale familiale (entre ça et le harcèlement à l'école putain pauvre fille...) c'est que ça sait être d'un romantisme vraiment gracieux avec une caméra complètement libre et des lumières colorées à foison.
Je sais pas vous mais moi ça me fait penser à certaines scènes de Hausu de Obayashi (surtout la rencontre avec la nouvelle amoureuse du père) il y a cette même forme d'idéalisation esthétique et sonore (avec le même genre d'envolée), alors peut-être que ce n'est pas propre à Carrie mais je trouve les deux films très proches quand j'y pense.
La narration est très classique (conte de fée toussa), ça permet à Brian De Palma de déployer toute ses envies sur un matériaux relativement malléable (ça me tue de voir des adaptations de contes aussi convenues tant on peut en faire ce qu'on veut avec un peu de talent) sans créer d'effet de "surplus" même si certaines petites figures de style sont légèrement surannés, c'est loin d'être gênant surtout quand ça fait partie d'un film très ancré dans son époque (coupes de cheveux, vêtements, comportements ...etc ).
Mais ce qui m'a surtout agréablement surpris c'est cette perception subjective que l'on a de certains personnages, moins binaires qu'en surface et comment Carrie perçoit la réaction des étudiant(e)s dans cette déformation incroyable en kaléidoscope (moi ça me plait ce genre d'effet, ça y va à fond la caisse et c'est ce que j'avais aimé dans Hanging Garden avec un fondu sous forme d'image lenticulaire, d'ailleurs là aussi je trouve qu'il y a de belles influences, comme quoi ça fait du bien de s'aérer l'esprit avec autre chose que du cinéma japonais).
Pour le premier cas c'était peut-être moi qui n'a pas été suffisamment été attentif mais il ne me semble pas que les intentions de Sue et son petit copain - que j'aimerai bien défriser - soient transparentes, surtout qu'à chaque fois ce sont des moments qui sont joints par le cruel plan de Billy et Chris. Du coup plus arrive le jour du bal plus au fond de moi j'avais envie que la soirée se passe sans accro, la scène de danse finalement on fini par y croire et le plus fourbe la dedans c'est De Palma qui te révèle l'humanité du couple quand tout est sur le point de partir en couille.
Le personnage de la prof de sport est aussi bien caractérisé et personnellement je ne l'a trouve pas aussi bienveillante que ça, enfin disons que c'est pas franc.
Bref j'ai adoré et je trouve que sous une forme relativement peu subtile Brian de Palma fait preuve d'une grande subtilité (j'espère que je me fait comprendre ) au travers de personnages bien écrits, d'une narration réellement permissive et d'une mise en scène de dingue (cet incroyable déplacement de la caméra le long de la corde...).
Je suis conquis par ce réalisateur !
📢Ein Tu vas regarder Blow Out ensuite ?
Vu que j'ai une mémoire déficiente et que j'ai vu Blow Out de façon très fragmentée en début de semaine je me laisse peut-être une dizaine de jours avant de le revoir, ça sera comme un visionnage à neuf
Attends, t'as vu Blow Out cette semaine et t'as déjà oublié ? Merde c'est sérieux là...
Ahah non ! Je l'ai expliqué sur la fiche de Pulsions : Mon Modem a déconné et plusieurs fois j'ai eu des retours en arrière/avant (si bien que je pensais que c'était des flashbacks au départ, naïf ou con au choix que je suis ) au bout d'un moment j'ai laissé tombé et je me suis mis à lire un bouquin tout en jetant des petits coups d'œil à ce qui se passait.
Ah ! Bien voilà un exemple concret pourquoi le streaming c'est de la merde !
Carrie perçoit la réaction des étudiant(e)s dans cette déformation incroyable en kaléidoscope
J'aime beaucoup ce procédé aussi. D'autant plus que c'est directement emprunté à cette scène d'Une femme disparait d'Hitchcock (je crois qu'il a déjà utilisé ailleurs, mais je sais plus) et de manière générale aux effets de mise en scène Hitchcokien sur le trouble mental d'un perso (pas le même effet, mais le même principe dans Notorious ... et évidemment le traveling compensé de Vertigo).
Pour Hausu, il y a une relation évidente avec l'époque, mais il faudrait faire tout un travail d'analyse sur les films de ce style dans les 70's. Vu le succès de Carrie, c'est sûr qu'Obayashi l'a vu mais c'est plus de l'inspiration involontaire. (comme avec Peau d'âne qu'il a dû voir aussi)
Tout à fait d'accord sur Sue et le petit copain (dont l'acteur avait passé une audition pour Luke Hamill de Star Wars en même temps que pour celle du film ), la première fois, j'étais pas totalement sûr de ce qu'ils tramaient.
Il y a vraiment une très bonne écriture des personnages, je trouve, parce qu'il y a quelque chose de très bien vu, ils ont des motivations qu'on sent très bien et en même temps qu'on ne pourrait pas décrire assez clairement par les mots.
L'exemple le plus frappant pour moi, c'est Chris/Nancy Allen. Le perso hait Carrie, on sent sa présence et sa haine dans tout le film alors que... il n'y a pas de dialogue entre les deux personnages et leurs interactions physiques sont réduites au minimum : une réplique vite fait "You shit" au volley sans même se croiser les regards, Chris donne l'idée de jeter des tampons mais ne parle pas directement à Carrie, elle lance plutôt un appel aux autres filles. Et enfin sa mort en voiture, où là aussi, l'interaction entre les deux personnages est très limitée.
J'ai toujours trouvé ce choix très percutant parce qu'on a une réelle non-communication entre le harceleur et le harcelé dans le cadre scolaire.
Pour la prof, c'est un très bon personnage aussi, parce qu'elle est présentée avec beaucoup de bonnes intentions et en même temps le portrait n'est pas tout blanc sur elle. On ressent quelque chose de difficile à traduire par des mots : quand elle fait un embrigadement sur Carrie sur le bouclage de ses cheveux (alors qu'elle ne pense qu'à une chose, c'est mettre les choses au clair avec Sue), quand Carrie vient pleurer vers elle dans les vestiaires et qu'on fait un plan sur le tee-shirt sali de la prof bien avant de montrer une sensibilité chez la prof.
C'est ce que j'ai vu de mieux sur la responsabilité d'un personnage envers d'autres : Ca crée des affects qui modèlent les individus et ce n'est pas quelque chose à percevoir comme une noble cause, mais comme un devoir avec les conséquences que ça peut impliquer. La prof en cherchant à se faire responsabiliser perd de vue quelque chose d'essentiel et elle pense avoir fait ce qui était juste sans vraiment réaliser que chacune de ses actions créent des dommages collatéraux. Par exemple, sa punition sportive collective à toute l'équipe et sa gifle à Chris (totalement méritée malgré tout), ça a permis de remettre les choses à leur place, mais d'un autre côté ça ne fait que renforcer la haine envers Carrie. Et ça la prof ne le capte pas, tellement elle est focalisée sur son sens des responsabilités.
Je connais pleins de personnes qui considèrent Carrie comme un navet d'horreur ou un truc très gnangnan, je peux pas leur reprocher ça parce que la structure du film a de quoi laisser perplexe, d'une part dans sa linéarité (c'est une adaptation qui "linéarise" le bouquin de Stephen King qui était un récit éparpillé) et d'autre part le nombre d'interactions limités entre les personnages tristement réaliste. (Carrie ne parle qu'à sa mère, la prof et le chevalier frisé, Sue ne parle qu'à la prof, son copain et à peine à Chris, Chris intéragit surtout avec Travolta et un petit peu la prof, la mère de Carrie n'interagit qu'avec sa fille et une scène avec la mère de Sue... Les croisements sont très peu nombreux et c'est pas forcément attractif).
Et puis, c'est un détournement anticipé des bals de promos dont on en connaîtra mille dans les 80's et les productions DCOM, ça demande une remise de contexte aussi.
C'est bien plus subtil qu'on le croit. (et c'est exactement pareil pour Scarface, qui est bourré de subtilités même s'il faut surtout remercier Oliver Stone scénariste)
On sent une passion pour ce Carrie dans ton commentaire D'ailleurs marrant je viens de voir que tu l'as côte à côte avec Hausu dans ton top, je comprends mieux maintenant.
Peau d'âne c'est vraiment bien? la galerie est bien chatoyante en tout cas.
Oui je suis bien d'accord concernant la non-interaction/communication des personnages, de toute manière en plus d'être un excellent film d'horreur c'est un super teen-movie. On sait si cette adaptation a des éléments autobiographiques ? Enfin dans le bouquin il y a ces relations conflictuelles ambiguës ou c'est propre à l'adaptation ?
D'ailleurs quand la prof interroge Sue sur les raisons de faire de Tommy, son copain, le cavalier de Carrie, ses raisons sont on ne peut plus vagues. Le plus terrible c'est la façon dont la prof tente de faire changer d'avis Tommy "tu ne crois pas que tu auras l'air ridicule aux côtés de Carrie?" , on ne sait jamais sur quel pied danse les personnages.
Le traitement a le mérite au moins de ne jamais s'embourber dans des justifications abracadabrantes et ridicules (souvent le cas dans ce genre film). J'ai lu la critique de résolution pour le remake et il se pose la question des motivations de la méchante, c'est déjà un gros problème rien que de se poser la question.
Là en l'espace d'une minute avec cette séquence du Volley-Ball tu sais déjà où Carrie se situe par rapport au groupe, les tampons achèveront le portrait mais il n'en faut pas plus, pas besoin d'explication supplémentaires.
C'est marrant les anecdotes sur ce film : "Nancy Allen et Piper Laurie ont déclaré plus tard qu'elles ne s'étaient pas rendu compte à quel point leurs personnages étaient méchants avant qu'elles ne visionnent le film. Piper Laurie s'imaginait même qu'elle tournait une comédie" ce que tu m'as dit sur le tournage de la scène de l'ascenseur de Pulsions je me dis que les tournages avec De Palma devaient être particulier et que jusqu'au démarrage de la post production ça devait avoir une drôle de gueule quand même
Scarface ça sera pour demain ou Lundi je pense, j'ai maté Phantom of the Paradise ce soir j'ai bien aimé mais c'est pas non plus ce que je préfère chez lui. Alors je me fais peut-être des idées mais quand je vois la galerie de L'impasse je me demande comment c'est possible de passer d'une espèce de patchwork d'influences baroques et fantaisistes (et pourtant très clair et intelligemment monté malgré le rythme de dingue) à quelque chose d'aussi sérieux et sobre.
Bon, ben déjà tu me fais penser qu'il faudra que je lise le roman, un de ces quatres, je viens de capter que c'est le premier roman de Stephen King en fait.
En checkant vite fait, King s'inspire de deux filles connues de son lycée brimées par d'autres, quand à lui-même, c'était un petit gros complexé et pas sociable au lycée. Par rapport à De Palma lui-même, sa mère a manipulé son affection ce qui l'a amené à mettre sur écoute son père pour démasquer une adultère un frère génie qui s'est égaré dans une sorte culte/secte... juste ces quelques petits trucs qui font qu'il avait son avis sur la question en filmant la prof ou la mère de Carrie.
Donc a priori pas d'éléments biographiques très marqués, c'est des inspirations de vécus comme n'importe quelle œuvre.
Et oui, ce qui est cool avec Carrie, c'est ce sentiment de comprendre les personnages, de deviner un peu, sans être jamais très certain. C'est très malléable pour les spectateurs qui ont chacun leur interprétation durant le film, puis ça explose et c'est à eux de faire leur constat. Un ami me disait qu'il ne supportait pas que que la prof meurt dans le film, d'autant plus que ce n'est pas le cas dans le bouquin où les autres films adaptation. Son avis à lui était qu'on pouvait pas être tellement aveuglé par la haine que plus rien n'avait d'importance, qu'on pouvait tuer n'importe qui.
Pour les anecdotes de tournage, c'est particulier, mais il faudrait que je remate les bonus, surtout pour Piper Laurie, qui me semblait avoir un avis un peu plus nuancé que ça, parce que sa performance a un peu impacté ce qui était prévu pour son perso. (sa scène monologue à la fin était si convaincante qu'elle n'a pas été raccourcie par des champs contre-champs comme prévu, ce qui donne un ton encore plus dramatique)
Concernant l'Impasse, ça doit venir de l'univers du récit qui permet à De Palma d'accommoder sa mise en scène sans vraiment bloquer ses élans de folie. Tu verras qu'il y a des traits d'humour très burlesques et pourtant ça ne détonne pas. Et puis, le fait qu'il y ait Pacino, ça doit peut-être lui poser des contraintes. Je dirais pas qu'il est plus sobre, puisqu'il réutilise des mêmes procédés de mise en scène d'un film à un autre (ex : fin Pulsions Carrie), il ne se retient pas.
(Peau d'âne, c'est très bien, mais il m'a fallu le revoir pour m'en rendre compte. Conte, kitsch, tout ça... Et puis la restauration doit jouer)