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100. "Un jour sans fin", de Harold Ramis (1993)
Le journaliste fatigué et odieux d'une télé locale de Pittsburgh se retrouve prisonnier d’une boucle temporelle : la même journée se répète chaque jour de la même manière. Or cette boucle va peu à peu lui permettre, en changeant ses réactions, de séduire la jolie productrice (Andie McDowell) qu’il draguait d’abord vulgairement. Mais aussi de devenir la star de la région, puisqu’il peut prévenir tous les accidents... Une fable savoureuse et un scénario génial qui transforme les ellipses en accélérateurs de particules amoureuses. La morale est sauve : pour séduire, il suffit d’être soi-même. JBM
99. "Le Privé", de Robert Altman (The Long Goodbye, 1973)
Dans cette adaptation de "The long goodbye" de Chandler, Robert Altman transpose les aventures de Philip Marlowe (joué par Elliott Gould, dans son meilleur film) à notre époque, soit les années 70. Le film raconte évidemment une enquête, mais l’essentiel est ailleurs, d’abord dans la description attentionnée de cette L.A. psychédélique des 70's. "Le Privé", film aussi drôle que mélancolique, parle aussi de solitude, d’amour non-dit, d’amitié trahie. C’est l’un des films les plus mélancoliques qui soient. A noter l'apparition le temps d'une scène du jeune Schwarzenegger - en slip.
98. "Le Temps de l'innocence", de Martin Scorsese (1993)
Sans doute le film le plus atypique de Scorsese, et l’un des plus beaux, cette recréation de la haute société du New York du XIXème siècle tient plus d’une élégance viscontienne que des polars ou films noirs qui nourrissent ordinairement son inspiration. Même l’histoire d’amour qui mijote à feu doux sous les convenances sociales de l’époque se déploie avec une délicatesse et une retenue que l’on n’imaginait pas venant de l’auteur hyper-viril de "Raging Bull" et des "Affranchis". Michelle Pfeiffer et Daniel Day Lewis sont magnifiques. On retrouvera ce dernier dans Gangs of NY, autre film consacré à l’histoire de la ville, versant classes populaires. Entre les deux, notre cœur ne balance pas : victoire cinématographique indiscutable de l’aristocratie. Un des deux films de Marty dans notre top 100 (et oui c'est peu) ; la seule présence de Daniel Day Lewis (et non "There Will Be Blood" n'est pas classé) et de Michelle Pfeiffer. Par contre, on retrouvera un peu plus haut la délicieuse Winona Ryder. SK
97. "Man on the Moon", de Miloš Forman (1999)
"Man on the Moon" est autant un film de Miloš Forman (son réalisateur) que de Jim Carrey (son acteur principal), voire d’Andy Kaufman (son sujet), d’outre-tombe. Biopic retors du plus grand comique moderne américain, celui qui inventa, avant que le terme ne soit forgé, la figure du troll, et poussa le canular dans ses ultimes retranchements, ce film de 1999 est celui où le cinéaste d’origine tchécoslovaque exprime le mieux son dégoût-fascination pour le Spectacle. C’est aussi le sommet de l’art transformiste de Jim Carrey, qui se donna corps et âme pour ce rôle, et qui avouera plus tard, dans un documentaire récemment sorti sur Netflix (Jim and Andy : "The Great Beyond"), que sa vie en aura été changée à tout jamais. Un des deux films classés avec Jim Carrey - sachant que dans l'autre il n'a que deux ou trois minutes de présence. JG
96. "Virgin Suicides", de Sofia Coppola (The Virgin Suicides, 1999)
Dans une banlieue bourgeoise de Détroit, cinq jeunes filles de bonne famille se sont donné la mort. Nous le savons dès le début. En off, la voix d’un garçon nous promet de remonter le fil de cette sordide histoire. Acte de rébellion, geste romantique ou véritable mal de vivre ? Le mystère ne sera jamais totalement élucidé, mais la réplique de la benjamine s’adressant, après sa première tentative de suicide, au médecin résonnera tout au long du film : "Manifestement docteur, vous n’avez jamais été une fille de 13 ans." Avec ce premier long métrage, Sofia Coppola ré-agence les codes du teen-movie et filme l'adolescence comme un âge opaque et sombre. "Virgin Suicides", pose les bases du cinéma bi-face de la cinéaste : doux et cotonneux à l’extérieur, glaçant à l’intérieur. La seule présence de Sofia dans ce top - mais pas de son patronyme. "Virgin Suicides" est l'un des deux films classés avec Kathleen Turner. L'autre est justement signé du patronyme en question et aussi celui où Jim Carrey n’apparaît que deux ou trois minutes. MD
95. "SuperGrave", de Greg Mottola (Superbad, 2007)
On connaît franchement peu de comédies ces dernières années qui allient avec autant de facilités le SuperTrash et le SuperElegant, le SuperHilarant et le SuperTendre, capable de renvoyer à "American Pie" le temps d’une scène puis au cinéma de Gus Van Sant lors de la suivante. Ce miracle vient peut-être de ses scénaristes, Seth Rogen et Evan Goldberg, qui ont écrit le script à 13 ans et qui s'inspire de leur adolescence, un âge où le quotidien c’est raconter des blagues de cul avec ses potes et tomber amoureux toutes les heures. "SuperGrave" est le premier film du XXIe à figurer dans notre top. Tout ce qu'on peut vous dire pour l'instant, c'est qu'ils seront 15 en tout... LB
94. "Jackie Brown", de Quentin Tarantino (1997)
Double déception pour kwentine : un seul film dans ce top 100 et positionné à une médiocre 94ème place. Mais déceptions relatives puisque figurer dans ce panthéon ô combien subjectif est déjà une performance que maints grands films et cinéastes n’ont pas accomplie. Tarantino est peut-être victime d’un éparpillement de voix sur plusieurs de ses films et il est finalement juste que "Jackie Brown" passe le cut tant il s’agit là de son œuvre la plus émouvante et sensible. Certes, les tarantinades attendues sont au programme (dialogues épicés, violence, humour noir, fétichisme du vintage…) mais on retient surtout le cœur du film, cette splendide histoire d’amour interraciale entre deux solitaires d’âge mûr. Et le tempo tranquille, sensuel comme une ballade soul, sur lequel Quentin a réglé sa mise en scène. SK
93. "Edward aux mains d'argent", de Tim Burton (Edward Scissorhands, 1990)
Quatrième film de son auteur (son plus touchant), premier d’une longue flopée avec Johnny Depp, alors quasi inconnu, "Edward aux mains d’argent" est le seul Tim Burton à se frayer une place dans notre classement. Avec son regard de Merlin gothique, le cinéaste y brosse très justement le portrait de cette Amérique puritaine des fifties, celle des gazons rasés et des maisons alignées à la file, celle en somme des spots publicitaires, trop lisse pour être tout à fait honnête. Se ressent alors la phobie sociale de l’artiste, exclu de la fausseté ambiante. Nul doute qu’il se représente plutôt en Edward (Johnny Depp dans l’un de ses meilleurs rôles), créature inachevée, la dernière d’un Frankenstein aimant, mort avant de l’avoir doté de mains. Muni de sécateurs à la place, ce Pierrot mutilé va, bien malgré lui, exacerber les vicissitudes du bourg policé après en avoir été sa coqueluche. Le seul film dans le top de son auteur mais également de son principal interprète (Spoiler : "Pirates des Caraïbes" ne figure pas dans notre classement). ADJ
92. "Indiscrétions", de George Cukor (The Philadelphia Story, 1940)
Une jeune femme intellectuelle et en avance sur son temps, son fiancé exemplaire en tous points et son ex encombrant aussi séduisant qu’infréquentable qui ne se laisse pas si facilement remiser aux oubliettes. Un étourdissant vaudeville triangulaire, où se déploient l’acidité de Cukor, la fantaisie crépitante d’Hepburn, la malice enjôleuse de Cary Grant et l’ingénuité fondante de James Stewart. Lequel rafla pour l’occasion l’Oscar du meilleur acteur. Alors que Cary Grant n’était même pas nommé - et n’a par ailleurs jamais remporté l’oscar. Une injustice que notre top US répare en partie : présents avec six films chacun dans le top 100, Cary et Jimmy sont les deux comédiens les plus cités de ce classement. Néanmoins une inégalité subsiste : un seul des deux voit un des films qu’il a interprété occuper le plus haut sommet. Mais n’espérez pas à ce stade savoir lequel. JML
91. "Alien, le huitième passager", de Ridley Scott (Alien, 1979)
Pourquoi nos plus pures terreurs de cinéma sont-elles nées à bord du Nostromo, dans les entrailles du vaisseau où Ripley rampait pour échapper à l’horreur ? Peut-être parce qu’il s’y jouait un cauchemar plus enfoui encore que la mort : un cauchemar de la naissance, un coït morbide avec le monstre, mêlé de ponte et d’éviscération. C’était l’autre absolu (bah oui, "alien"), et pourtant il devenait nous, et nous devenions lui. Et puis l’affiche était formelle : personne ne nous entendrait crier. TR
90. "Place aux jeunes", de Leo McCarey (Make Way For Tomorrow, 1937)
"Place aux jeunes" était le film préféré de McCarey et un échec commercial retentissant. Peut-être parce que le cinéaste y livre plus qu'ailleurs et sans mélange son regard acide, son réalisme noir où l'émotion se fraye un chemin au milieu de la cruauté et de la rudesse du monde. On peut s'amuser à dénombrer les points communs que partage "Place aux jeunes" avec "Elle et Lui", autre McCarey qui se trouve dans le classement : deux amants privés d'intimité, l'amour à l'épreuve du réel, un secret tragique que la femme ne veut révéler pour ne pas bouleverser celui qu'elle aime, une parenthèse de rêve avant la séparation. Mais celle de "Place aux jeunes" sera définitive, désespérée. Il fallait bien ça pour faire l'un des films les plus tristes qui soit et l'un des plus grands sur la vieillesse. Avis aux fans : le grand Léo s'est également faufilé dans le top 25. MJ
89. "Collatéral", de Michael Mann (Collateral, 2004)
Premier film cité de Michael Mann - un deuxième arrive très bientôt dans la suite du top – "Collateral" possède à peu près toutes les qualités du thriller parfait. Un scénario pas forcement très crédible mais on s'en fout car d’une grande précision, un duo (Tom Cruise/Jamie Foxx) de feu et bien-sûr la caméra éclaboussante de classe de Mann, aussi à l’aise dans un découpage ultra resserré de pur film d’action que dans des séquences au temps suspendu où il capte toute la féerie nocturne de Los Angeles. On retrouvera Tom Cruise à deux reprises dans le classement avec notamment…attention teasing…un film placé dans le top 10. LB
88. "La Vie est belle", de Frank Capra (It's a Wonderful Life, 1946)
Endetté jusqu'au cou, George Bailey est sur le point de se donner la mort la veille de Noël. Des prières se murmurent alors dans toute la ville pour que le ciel lui vienne en aide. Après avoir revécu les années écoulées de la vie de Bailey, l'ange Clarence tentera de l'empêcher de se défaire du "plus beau cadeau de Dieu." Avec cette parabole humaniste, Capra esquisse le portrait rêvé de l'Amérique catholique du self-made-man dont la devise reposerait sur cette maxime antisartrienne : l'enfer c'est l'absence des autres. Un film de propagande diront certains. Peut-être, mais le plus beau du monde... et le seul Capra de ce top. LB
87. "Les Contrebandiers de Moonfleet", de Fritz Lang (Moonfleet, 1955)
"Et c’est ainsi, un soir d’octobre 1757, qu’un jeune garçon vint chercher un homme qu’il croyait être son ami". Premier tournage en studio du cinéaste depuis des années, cette adaptation d’un roman de John Meade Falkner a été remontée contre sa volonté, et reste libellée dans le catalogue de la MGM d’un "maladroitement adapté et réalisé par un Fritz Lang distrait"! C’est pourtant un récit d’aventure aussi trépidant que déchirant, à la croisée du conte gothique (l’ouverture en cauchemar brumeux) et du film de cape et d’épée (Stewart Granger, dans le rôle de Jeremy Fox, fait figure de néo-Erroll Flynn ambigu). Si l’on y retrouve des thèmes chers au réalisateur (plongée dans un monde inquiétant et perverti, confrontation de l’innocence et de la corruption), c’est surtout le visage de ce petit garçon en quête d’un refuge et à l’optimisme inébranlable qui s’imprime en nous. AB
86. "Le Magicien d'Oz", de Victor Fleming (The Wonderful Wizard of Oz, 1939)
La jeune Dorothy rêve de quitter son rude Kansas pour se rendre "somewhere over the rainbow". Endormie, elle sera emportée par une tornade avec son chien Toto et atterrira dans le monde merveilleux d’Oz. Tout ce qui se passe dans la partie plongée dans un réalisme sépia se répétera sous la forme d’un grand show Technicolor que la MGM voulait grandiose. Le récit coupé en deux, le voyage circulaire, le récit des origines enfoui dans le grand spectacle pour enfants : "Le Magicien d’Oz" est une œuvre séminale, aussi enfantine qu’elle est théorique et dont on peinerait à cerner les limites de son influence sur le cinéma américain ; elle appartient à son inconscient. Mue par une réplique indélébile, l’éternelle jeune fille Garland voyage d’une réplique à une autre, de "somewhere over the rainbow" à "there is no place like home". Les longs voyages ne servent qu’à ressentir le mal du pays. MJ
85. "Showgirls", de Paul Verhoeven (1995)
Qu’il semble loin le temps où "Showgirls" triomphait au Razzie Awards et précipitait Elisabeth Berkley, son actrice pourtant formidable, dans l’oubli. Adulé par Jacques Rivette, la satire exubérante de Paul Verhoeven est à présent largement réhabilitée. Réévaluation ultra-commentée qui paraîtrait vaine de radoter si elle ne cimentait pas elle-même l’ADN du film. Car à l’image de sa reconnaissance tardive, "Showgirls" raconte l’ascension tumultueuse d’une danseuse aux dents longues, passant d’un strip-club insalubre aux hôtels-casinos bling-bling, du trottoir aux lumières de Las Vegas puis de Los Angeles. De la ville-casino à la ville-cinéma, d’une autoroute perdue à Mulholland Drive, c’est toute l’Amérique consumériste, matérialiste, compétitive à l’excès, atrocement misogyne et raciste que représente avec férocité Verhoeven. Un des deux films signés Verhoeven de ce top et un des trois interprétés par Kyle MacLachlan ADJ
84. "Love Streams", de John Cassavetes (1983)
Le dernier film de John Cassavetes est un torrent d’émotions furieux et déconcertant. Première surprise, le cinéaste et son épouse Gena Rowland y interprètent un frère et une sœur, enclenchant un dialogue distordu entre le réel et la fiction. Seconde surprise, ils sont aussi désaxés l’un que l’autre : empêtrée dans une procédure de divorce, elle évolue à la lisière de la crise de nerfs et de la dépression, quant il mène une existence dissolue et autodestructrice. Leur cohabitation chaotique fera pourtant office de planche de salut à deux places, et la villa en pleine tempête se chargera d’amour (et aussi d’une ribambelle d’animaux) dans un geste à la générosité inouïe. Un des deux films de Cassavetes dans ce top. AB
83. "Le Dictateur", de et avec Charlie Chaplin (The Great Dictator, 1940)
L’un des chefs d’œuvre de Charlie Chaplin. Tout le monde connaît Le Dictateur, que Chaplin a le courage (il rencontra de dures oppositions à ce projet) de produire ce film violemment contre la guerre et contre Hitler au moment où la Seconde guerre mondiale éclate et où les Etats-Unis hésitent encore à entrer en guerre. Chaplin reprend à Hitler qu’ils lui avaient volée. Mais il joue également un autre rôle : celui d’un barbier juif amnésique depuis la Première guerre mondiale, et qui découvre avec surprise que son pays est devenu une dictature antisémite. Et là, quand le barbier tourne le coin de la rue pour rentrer chez lui, il a les habits de Charlot. Vous ne le saviez pas, semble nous dire Chaplin, mais Charlot est juif, parce que Charlot est toujours du côté des pauvres, des démunis, des bannis. Magnifique. JBM
82. "Miami Vice : Deux flics à Miami", de Michael Mann (Miami Vice, 2006)
Sur le papier, se lancer vingt ans après dans la version film d’une série culte des années 80 pouvait sembler risqué, mais à l’arrivée, c’est un des meilleurs de son auteur, l’un des plus grands stylistes de ces vingt ou trente dernières années. À propos de style, Mann reprend les fétiches de la série (soleil, costards blancs, bronzage et tout l’attirail tropicalo-balnéaire bling bling) pour les décupler avec maestria : "Miami Vice" le film est un éblouissement de couleurs, de lumières (naturelles et artificielles), de décors somptueux, un scintillement permanent qui rehausse un scénario assez classique de flics et gangsters, d’infiltration et de sentiments amoureux qui brouillent le jeu. SK
81. "Blue Velvet", de David Lynch (1986)
S’il préfigure "Twin Peaks", à bien des égards, il serait dommage de voir en "Blue Velvet" qu’un simple wagon raccroché à ce train-fantôme en furie. Traversé par une énergie libidinale, effrayante et insatiable, le premier film de Lynch de ce top (oui, il y en aura d'autres...) reprend la figure moderne du voyeur pour la confronter à un double maléfique (terrifiant Dennis Hopper), incarnation d’une folie perverse qui ne semble exister qu’à la nuit tombée. Caché dans un placard, parmi les peignoirs en soie de la chanteuse dont il est obsédé (Isabella Rossellini), l’observant déambuler en sous-vêtement noir dans son appartement où elle est séquestrée, on imagine que c’est bien là que le jeune Jeffrey Beaumont (Kyle MacLachlan) prend le plus son pied. Lynch, lui, y montrait déjà que le désir est tôt ou tard rattrapé par une oraison funèbre. Première apparition dans ce top d'Isabella Rossellini que l'on retrouvera à nouveau avec un film placé dans le top 70. ADJ
80. "Meshes of the Afternoon", de et avec Maya Deren et Alexander Hammid (1943)
Le seul court-métrage de ce classement. Le seul film appartenant aussi à la catégorie nommée dans les histoires du cinéma “cinéma expérimental”. Poème obsédant sur l’instabilité psychique, la hantise et les tumultes dans le couple, "Meshes of the afternoon" est un sublime aérolithe, en provenance du Buñuel d’"Un chien andalou" et du Cocteau du "Sang d’un poète", et à destination de David Lynch. Contemporaine de Kenneth Anger, Maya Deren était à la fois une des plus influentes femmes cinéastes et une matrice pour le cinéma d’avant-garde américain. Alexander Hammid était alors son compagnon et "Meshes of the afternoon" est le seul film qu’ils aient co-réalisé. JML
79. "Opening Night", de et avec John Cassavetes (1977)
La particularité d’"Opening Night" dans l’œuvre de Cassavetes, c’est qu’il y met d’une certaine façon son cinéma en abyme. Son épouse y joue le rôle d’une actrice connue qui s’apprête à jouer une nouvelle pièce, quand où elle assiste à la mort accidentelle d’une de ses admiratrices. Perturbée à la fois par ce drame et le rôle d’une femme vieillissante qu’elle doit jouer, elle monte sur scène complètement bourrée le soir de la première. Elle triomphe néanmoins. Le cinéma de Cassavetes est sombre et psychologique. Une fois de plus, il filme les affres de personnages fragiles, et Rowlands est sublimissime. JBM
78. "E.T. l'extra-terrestre", de Steven Spielberg (E.T., 1982)
Si c’est le moins bien placé des Spielberg de ce top, c’est peut-être parce que son héritage immense a éclipsé sa splendeur rien qu’à lui, pourtant pas moins grande. Le revoir, c’est retrouver une œuvre séminale, un idéal sur la conjuration des traumas d’enfance, la tendresse secrète des monstres, et l’attrait mystique des étoiles. On feint de l’oublier, alors qu’E.T. n’est jamais parti – il nous l’avait dit dès son départ, en pointant de son doigt magique le front d’Elliott : "I’ll be right here". TR
77. "Le Port de la drogue", de Samuel Fuller (1953)
Difficile pour le cinéma américain de se remettre à flot sans changer de cap après "Le Port de la Drogue". Car avec ce réalisme bouillonnant, ce mélange d’érotisme et de brutalité, de sauvagerie et de sensualité, Fuller franchit un palier dans la représentation de la violence qu’un peu tout le monde va ensuite escalader (Scorsese, Friedkin, Ferrara, Tarantino, et même Godard avant eux). Attaché au grouillement urbain comme tous les grands modernes, le cinéaste fait littéralement descendre le genre dans la rue et plus bas encore. Peuplée de petits malfrats et d’indics sans-le-sous, filmée comme un souterrain où malgré ses dédales et ses chausses-trappes on se retrouve toujours, la ville de Fuller, humide et désillusionnée, ressemble à son anti-héros, Skip, pickpocket vivant reclus dans une bicoque délabrée au bord de l’eau et sans nouveau départ à l’horizon. ADJ
76. "En quatrième vitesse", de Robert Aldrich (1955)
Adapté d’un polar de gare de Mickey Spillane, "En Quatrième Vitesse" est la démonstration de l’importance de la mise en scène dans ce média que l’on appelle le cinéma. Si le roman était de seconde zone, le film est un éblouissement noir, déroulant ses volutes comme un songe éveillé. Suivant une enquête opaque sur fond d’élaboration secrète de la bombe atomique, Aldrich enchaîne les séquences mémorables : une femme terrorisée courant seule dans la nuit, un garagiste grec qui s’affaire sur des voitures stylées ("vava voum !!!"), une mallette noire au contenu dangereux dont s’inspirera Tarantino dans "Pulp Fiction". "En Quatrième Vitesse" est lui-même une fiction très pulp, un film qui incarne au plus haut la parenté entre cinéma et somnambulisme. SK
75. "Il était une fois dans l'Ouest", de Sergio Leone (Once Upon a Time in the West, 1968)
Comme il est loin déjà le temps des cow-boys, des poursuites en diligences, des gentils shérifs contre les voleurs de banque, de Gary Cooper et de John Wayne... Le monde change et la veuve Jill (Claudia Cardinale) doit y faire face en arrivant à Flagstone. Un nouveau monde qui rime avec chemins de fer et constructions de grandes villes et où Henry Fonda, le good guy par excellence du cinéma US, prend les traits d'un psychopathe tueur d'enfant. Mais désormais, peu importe qu'ils soient bons ou méchants, les cow-boys fatigués tombent en poussière et disparaissent en un coup de vent. De ce ballet funeste, seule la courageuse Jill sauvera sa peau et incarnera lors d'une somptueuse scène finale l'espoir d'une nouvelle nation à bâtir. "Il était une fois dans l'Ouest" est le premier film de Sergio Leone à paraître dans notre top et pas le dernier : une autre fresque au titre quasi-identique s'est glissée dans les 25 premières places... LB
74. "My Own Private Idaho", de Gus Van Sant (1991)
Première apparition d'un cinéaste présent trois fois dans notre top, "My Own Private Idaho" est le troisième long métrage de Gus Van Sant. Chef d’œuvre de sa première période indépendante, il fixe non-seulement pour l'éternité la beauté iconique et déliquescente de River Phoenix et pose surtout le canon d'un genre, celui du film d'errance gay. S'y mêlent prostitution, évasion, drogue et peur de l'abandon, y tombent les barrières entre sexe, amour et amitié et y est associé un certain fétichisme du vêtement autant qu'une obsession pour le motif de la route. Spoiler : c'est la seule présence de River Phoenix dans notre top ; Keanu Reeves, lui, reviendra une fois. BD ?
73. "Tout ce que le ciel permet", de Douglas Sirk (All That Heaven Allows, 1955)
Une mère de famille veuve et jolie, ses grands enfants qui veulent la maquer avec un bon parti, un jardinier plus jeune qu’elle tanqué comme Rock Hudson... Et soudain tout se détraque dans les bonnes mœurs de l’Americain way of life. Un sommet de l’art mélodramatique sirkien, irrigué d’une sève de critique politique corrosive. Todd Haynes a proposé une version racisée du pitch ("Loin du Paradis", 2002). François Ozon a repris l’iconique plan d’une biche aux abords d’une maison enneigée ("Huit Femmes", 2002). Citations, reprises, fétichisation, plus que nul autre grand maître hollywoodien, c’est tout ce que Sirk permet. JML
72. "Lost Highway", de David Lynch (1997)
"Lost Highway" est un peu le grand frère mal-aimé de "Mulholland Drive", film qui a plus que lui la faveur des classements. Dans un versant moins complexe et impressionnant mais plus généreux et référencé au "Vertigo" d'Hitchcock, "Lost Highway" nous plonge dès son générique, où la ligne médiane d'une route défile sur "I'm deranged" de David Bowie, dans ce qui fait son infaillible charme ; l'immédiateté des images associée à une sublime BO. Il contient également l'une des plus belles scènes de sexe du cinéma américain qui, avec la réplique culte "You will never have me", renferme en terme on ne peut plus simple l’inaccessibilité à la figure féminine qui traverse tout le cinéma de Lynch. BD
71. "La Dame du vendredi", de Howard Hawks (His Girl Friday, 1940)
"La Dame du Vendredi" nous plonge dans le quotidien plus qu'électrique de la rédaction du Morning Post et de son chef charismatique mais terriblement roublard Walter Burns (Cary Grant, hilarant). Modèle d’écriture et d’efficacité, le rythme déchaîné ne laisse absolument aucun répit au spectateur (les répliques fusent et se superposent, les corps s’entrechoquent formant un capharnaüm total), "La Dame du Vendredi" avait tout pour être une très bonne comédie - et on s’en serait largement contenté. Mais non satisfait de cela, Hawks y fait télescoper les genres : tour à tour le film prend des airs de comédies romantiques, de satire sur le journalisme, de critique à charge sur la manipulation des politiques. On aborde des sujets graves : la peine de mort, le meurtre, le nazisme et la guerre en Europe et tout s’empile par magie sans jamais sacrifier le rire du spectateur. Et puis il faut voir Rosalind Russell, éblouissante de liberté, qui glisse pleine d’élégance dans ce monde d’hommes. On retrouvera un autre film du duo Howard Hawks / Cary Grant dans les trente premières places de notre classement. LB
70. "Two Lovers", de James Gray (2008)
En 2008, après avoir scruté les liens tendus de fratries pas comme les autres, James Gray réalise un mélo sur fond de triangulation amoureuse. Nous sommes toujours à New-York, dans ses petits appartements et ses ruelles étroites. Leonard (Joaquin Phoenix), étrange garçon au cœur brisé, est de retour chez ses parents qui tentent de lui trouver la compagne idéale (c’est à dire issue d’une famille juive respectable) qui lui fera oublier son amour d’antan. Sandra Cohen sera cette parfaite prétendante. Mais l’arrivée inattendue de la voisine de palier dans la vie de Leonard va bousculer sa nouvelle et paisible idylle. Empreint de cette mélancolie qui habite chacun des films du cinéaste, "Two Lovers" a la douceur et la douleur d’un amour partagé mais impossible. Joaquin Phoenix en innocent au regard triste y trouve l’un de ses plus beaux rôles. MD
69. "Profession : reporter", de Michelangelo Antonioni (1975)
Allemagne, Espagne, Angleterre, Afrique… Le film d’Antonioni parcourt le monde et est pourtant bel et bien un film américain. Faut-il rappeler le sujet de ce chef d’œuvre célèbre ? C'est l'histoire d'un journaliste britannique, David Locke (Jack Nicholson) qui prend l'identité d'un mort (un peu hasard, d'ailleurs) afin d'échapper à sa vie. Mais l'homme dont il a pris l'identité participait à un trafic d'arme. Petit à petit, il se fait prendre à son propre jeu, rattraper par des réseaux qu'il ne maîtrise pas du tout. Mais il rencontre aussi une femme (sublime Maria Schneider) qui donnera un sens à sa vie. Le dernier plan, un très long et lent travelling sur une place andalouse, donne un sens métaphysique et à la disparition du héros, cet homme qui voulait échapper à sa vie et y a trouvé la mort. Un second film avec Jack Nicholson se concluant également par un lent travelling s'est glissé dans notre top... JBM
68. "Inside Llewyn Davis", de Joel et Ethan Coen (2013)
Qui se souviendra de Llewyn Davis ? Sûrement personne. Son ami musicien avec qu’il formait un duo est mort prématurément, son ex ne l’aime plus et veut avorter de lui, son chat fugue dès qu’il en a l’occasion. Même la postérité ne voudra pas de lui. Pourtant Llewyn a du talent, mais pas suffisamment, ou bien pas pour la bonne époque : "Je ne vois pas beaucoup d’argent ici…" lui rétorquera un célèbre manager après l'avoir écouté jouer. Alors, il faut bien la pellicule des Coen pour imprimer le destin de ce Sisyphe moderne et en faire le plus inoubliable des oubliés. LB
67. "Minority Report", de Steven Spielberg (2002)
Libre adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick dans laquelle des individus exceptionnels doués de prescience permettent aux agents du Précrime d'arrêter les criminels avant qu'ils ne commettent leurs méfaits, Minority Report est l'un des films les plus prodigieux de la carrière vertigineuse de Steven Spielberg. Il marque, avec "La Guerre des Mondes" et "Munich" qui sortiront trois plus tard, le virage sombre négocié par le cinéaste en ce début des années 2000, hanté par les images traumatiques du 11 Septembre. Grand film de SF porté par un Tom Cruise survolté, "Minority Report" aborde les thèmes dickiens du dévoiement de l'identité et de la cassure de réalité tout en livrant un grand spectacle, superbement mis en scène par le King of entertainment. Ce dernier retrouvera d'ailleurs les sommets de notre classement pour une troisième et dernière fois avec un film prenant cadre un monde futuriste. LM
66. "Zodiac", de David Fincher (2007)
"Zodiac" est le premier film de David Fincher qui recueillit, lors de sa sortie en 2007, l’unanimité critique — le film de la maturité comme l’on dit. D’une ampleur folle et d’une maîtrise intimidante, presque étouffante si elle ne s’aérait régulièrement de trouées modernistes (i.e. des moments de creux, de stase), "Zodiac" raconte 2 h 40 durant, la traque, ratée, d’un fameux tueur en série californien dans les seventies. Sous la pluie battante de signes épars, c’est le sens qui se perd, dans la lignée d’Antonioni. Pour l’anecdote : une enquête récente a démontré que le Zodiac et le tueur du Dahlia Noir (rendu célèbre par James Ellroy, et plus tard Brian De Palma) pourraient n’être une seule et même personne : George Hodel. "Avengers Infinity War" et ses crossovers soi-disant "ambitieux" peuvent aller se rhabiller. JG
65. "La Griffe du passé", de Jacques Tourneur (Out of the Past, 1947)
D’où vient la fatigue qui nimbe le si doux visage de Robert Mitchum et qu’il va trimbaler, avec ce même air désabusé, dans des films de plus en plus noirs (sommet du genre à retrouver beaucoup plus bas) ? Probablement que ses paupières ne se sont jamais remises de "La Griffe du Passé" et de ces nuits passées à guetter Kathie, les yeux plissés pour y voir plus clair, sur la plage d’Acapulco. Mitchum y joue un ancien détective coulant des jours paisibles avec une jeune femme dans un patelin de Californie avant qu’une sombre histoire d’amour et de trahison ne revienne taper l’incruste. À force de fixer l’abîme, harassé par un vécu que l’on chercherait à résorber, la mine finit aussi par s’affaisser et la tristesse se tasser dans un flegme grisâtre. Au fond, Tourneur nous rappelle que toute mélancolie naît d’un amour dévasté et d’un aller sans perspective de retour. ADJ
64. "Blow Out", de Brian De Palma (1981)
De Palma transpose la réflexion antonienne sur les double fonds dangereux de la représentation ("Blow Up", 1967) de la photographie au son. Travolta, dans son plus beau rôle, interprète un ingé son qui enregistre sans la vouloir la preuve sonore d’un attentat politique. Un thriller éblouissant doublé d’une romance tragique absolument déchirante. De Palma place quatre films dans notre top 100, ce qui en fait un des cinéastes les plus représentés. Mais, spoiler, les votes s’étant dispersés sur beaucoup de films, aucun de ces quatre films ne figure dans les 30 premiers. JML
63. "Mad Max : Fury Road", de George Miller (2015)
S’il est difficile de se remémorer précisément ce qu’il se passe dans "Fury Road", c’est peut-être parce que le film de Miller se vit davantage qu’il ne se voit. Jamais nous n’avions autant ressenti le moteur qui hurle au cinéma, les grains de sable qui aveuglent les yeux, l’estomac qui se serre lorsque soudain les bolides accélèrent. En nous balançant à la gueule cette course-poursuite hallucinante de deux heures, le réalisateur australien réalise deux exploits : 1. ringardiser d’une facilité déconcertante tous les blockbusters de l’époque nourris à grands renforts de CGI, univers étendus et crossovers 2. rivaliser avec les drogues les plus fortes du marché. LB
62. "Les hommes préfèrent les blondes", de Howard Hawks (Gentlemen Prefer Blondes, 1953)
Contrairement à Ford, Minnelli ou Hitchcock, Hawks n’est pas le cinéaste d’un seul genre mais de tous. Et de chacun d’eux il a livré un modèle archétypal ("Rio Bravo" pour le western, "Le Grand Sommeil" pour le film noir, L’Impossible M. Bébé pour la comédie, etc.), avec une aisance d’exécution, une perfection fonctionnelle, une clarté conceptuelle proche du schéma qui fit de lui ce "génie de l’évidence" que décrivait Jacques Rivette. Les hommes préfèrent les blondes est donc "évidemment" un sommet du film musical hollywoodien. Mais aussi un génial buddy movie qui subvertit tous les codes de représentations genrées avec une modernité qui laisse pantois.e. Dans un numéro final interloquant de cinglerie spéculaire, Jane Russell s’y travestit en Marilyn. Mais Marilyn est déjà une créature travestie, non pas un être mais une performance. Et Howard Hawks la matrice de Judith Butler. JML
61. "Starship Troopers", de Paul Verhoeven (1997)
L'action se déroule dans le futur. La terre est désormais gouvernée par un État mondial. L'égalité a été établie entre les hommes et les femmes, les races sont oubliées. Mais les humains mènent une guerre sur une autre planète, peuplée d'araignées géantes qui se nourrissent du cerveau des humains. Nous allons suivre plusieurs de ces jeunes soldats au physique si parfait. Ce pur film de guerre et de SF fut très mal accueilli à sa sortie, et même accusé de bellicisme et de néo-nazisme. Il est frappant qu'il se retrouve aujourd'hui dans ce top 100. En réalité, Verhoeven est sans doute le cinéaste le plus ironique du monde, et il a fallu pas mal de temps pour le comprendre. JBM
60. "Eve", de Joseph L. Mankiewicz (All About Eve, 1950)
Mankiewicz prend pour décor le monde du théâtre pour parler de Hollywood et réalise l’un des plus grands films sur le métier d’actrice et le vieillissement au féminin. S’il filme une crise, celle d’une grande comédienne célébrée qui pressent son déclin, Mankiewciz la traite dans une forme taillée comme un diamant, d’une circularité parfaite : les starlettes piquent la place des grandes vedettes dans un mouvement cyclique qui ne connaît pas de fin et l’arrivisme est toujours récompensé. Le cinéaste cueille Bette Davis au moment où celle-ci coïncide idéalement avec son personnage, puisqu’"All About Eve" inaugurera sa deuxième partie de carrière. Elle donne au film cette absolue élégance dans le désespoir et Mankiewicz lui offre en retour l’un de ses plus beaux rôles. MJ
59. "Titanic", de James Cameron (1997)
Soixante semaines de travail, des millions de dollars, une production au bord de l’implosion… "Titanic" aurait bel et bien pu être le naufrage qu’il ambitionne de raconter. Évidemment le film de Cameron n’en est rien et il est à l’image de cet imposant paquebot qui sombra au fond des océans en 1912 : un mastodonte. Longtemps plus grand succès de l’histoire du cinéma - avant que le nouveau bébé de Cameron "Avatar" ne vienne le détrôner - "Titanic" aura été le film de tous les records. Mais sous ce flux d’artifices, il reste l’image absolue de la romance passionnelle et forcément impossible. Enfin, il est de ces films dont on ne se remettra jamais : priant à chaque vision que, comme par miracle, Jack et Rose ne se rejoignent sur cette porte flottante et vivent heureux jusqu’à la fin des temps. MD
58. "La Garçonnière", de Billy Wilder (The Apartment, 1960)
Premier des trois films de Billy Wilder dans notre classement, "La Garçonnière" est un chef d’œuvre de comédie existentielle, celle dont son auteur était le plus fier. Wilder y ausculte les relations amoureuses à l’heure de l’ultra-moderne solitude urbaine, et par la voix du fameux Dr Dreyfuss, voisin du héros C.C. Baxter venu lui tirer les oreilles à cause de sa lâcheté, il y popularise un concept central dans toute la comédie juive américaine : le mensch, ou homme de bien, homme moral en Yiddish. "Be a mensch, Baxter !". Woody Allen, ou plus tard Judd Apatow, lui doivent beaucoup. JG
57. "Faux-semblants", de David Cronenberg (Dead Ringers, 1988)
Tournant majeur dans l’œuvre de David Cronenberg, "Faux-semblants" s'impose comme l'un des plus grands films (le deuxième selon notre classement) d'un grand cinéaste. Après avoir marqué de son empreinte le cinéma fantastique à tendance horrifique ("Chromosome 3", "Scanners", "La Mouche") Cronenberg signe avec Faux-semblants un drame psychologique glaçant dans lequel Jeremy Irons, au sommet de son art, incarne des frères jumeaux, tous deux gynécologues, partageant leur appartement, leur clinique et leurs conquêtes. La machine s'enraye lorsque l'un d'eux tombe amoureux d'une femme qu'il refuse de partager. S'enclenche une vertigineuse descente aux enfers amenant les deux hommes aux confins de la folie. LM
56. "L'Homme qui tua Liberty Valance", de John Ford (The Man Who Shot Liberty Valance, 1962)
Un des derniers films de Ford, "L'Homme qui tua Liberty Valance" est un film très moderne, quasiment post-moderne, dans le sens où Ford, qui a tourné bien sûr une flopée de westerns auparavant, semble non pas s’autoparodier mais se moquer lui-même des archétypes du genre (comme celui du bandit caricatural, le Liberty Valance du titre, joué par Lee Marvin). Le film est un long flash-back, qui va nous apprendre qu’un célèbre sénateur (James Stewart) a bâti toute sa carrière politique sur une usurpation : il n’est pas l’homme qui tua Valance. Une méditation sur la relativité de la vérité, sur le spectacle politique, et l’un des plus beaux rôles de John Wayne (qui, lui, a tué Valance mais n'en a tiré aucune gloire). JBM
55. "Lettre d'une inconnue", de Max Ophüls (Letter from an Unknown Woman, 1948)
"Lorsque vous lirez cette lettre, je serai peut-être morte". Ce sont les terribles mots qui ouvrent la lettre lue par le bellâtre et pianiste Stefan Brand, un soir alors qu’il rentre chez lui. De son expéditrice il ne croit rien connaître alors qu’il l’a croisé à plusieurs reprises dans sa vie. Pour lui, ce ne fut qu’une conquête de plus. Pour elle, ce fut l’amour de sa vie. Pour son deuxième film tourné aux États-Unis, Ophüls adapte la célèbre nouvelle de Zweig en prenant quelques libertés. Le cinéaste français se détache de la violence de la nouvelle pour y orchestrer une douce ronde qui navigue vers la mort. LB
54. "Jeux Dangereux", d'Ernst Lubitsch (To Be or Not to Be,1942)
Varsovie en 1939. Les Allemands viennent d’envahir la Pologne. Une troupe de comédiens un peu cabotins, dont certains sont juifs, se trouve embringuée dans une histoire d’espionnage qui va les contraindre à se déguiser en soldats allemands et à jouer un "jeu dangereux" (c’est le titre français du film). L’un des chefs d’œuvre absolus de la période hollywoodienne Lubitsch. Miraculeuse réflexion sur les apparences et la réalité, et sur le spectacle. Hilarant, gonflé, génial. Un des deux films réalisés par le "prince" à se positionner dans notre top. JBM
53. "Les Désaxés", de John Huston (The Misfits, 1960)
Si l’on devait établir une liste des films respectant l’adage rivettien selon lequel chaque film serait le documentaire de son tournage, alors "Les Désaxés" figurerait sans nul doute dans le haut du répertoire. Il faudrait néanmoins modifier la sentence du cinéaste et critique français en ajoutant : chaque film est un documentaire sur son actrice, ici Marilyn Monroe. Portrait âpre de l’Amérique et de ses éternels cowboys, "Les Désaxés" est le bouleversant portrait de son actrice principale. Celle dont on connait par cœur le visage poupon, le sourire enfantin et le regard triste, y est ici plus sombre et désespérée que jamais. Écrit par Arthur Miller, ancien amant de l’actrice, "Les Désaxés" a le goût funèbre d’un testament trop bien rédigé. Ce sera le dernier film de Marilyn Monroe et de Clark Gable, morts quelques temps après le tournage. L’un des plus beaux films maudits de l’histoire du cinéma. MD
52. "A History of Violence", de David Cronenberg (2005)
Avec ce film, David Cronenberg, cinéaste étiqueté cérébral, prouve que sur le terrain du film noir, il peut être aussi précis, tranchant, flippant que les meilleurs auteurs du genre. "A History of Violence" est un modèle de découpage, de tension du récit global et de chaque plan, d’ambiguïté morale, le genre de film dégraissé dont on dit qu’ils ne comportent pas une minute de trop. Au cœur de cette fiction obéissant à certains codes du genre brille un motif beaucoup plus personnel et cronenbergien : l’état de la sexualité au sein du couple. Et c’est peu dire que madame jouit plus quand son mari est en mode bad boy plutôt que père de famille modèle. Un casting de haut vol parachève la réussite de ce film : Viggo Mortensen qu’on ne présente plus, Ed Harris en méchant impecc entourent la trop rare et ultrasexy Maria Bello. SK
51. "Les Oiseaux", de Alfred Hitchcock (The Birds, 1963)
Souvent considéré comme le dernier grand film de l'immense carrière d'Alfred Hitchcock, "Les Oiseaux" marque la première apparition (mais de loin pas la dernière) du maître dans notre classement. Une citadine (Trippi Hedren, inconnue avant le film, blonde hitchcockienne mythique ensuite) se rend à la riante ville côtière de Bodega Bay qui, quelques heures plus tard, sera le théâtre apocalyptique d'une formidable attaque menée par des milliers de volatiles. Hitchcock donne toute la mesure de son talent, poussant la logique horrifique vers des extrémités inédites dans son cinéma. Revisitant à sa manière le genre du film d'invasion, "Les Oiseaux" peut être perçu comme la préfiguration de "La Nuit des Morts vivants", qui sortira cinq ans plus tard, et de tout un pan du cinéma spectaculaire hollywoodien. LM
50. "La Fièvre dans le sang", d'Elia Kazan (Splendor in the Grass, 1961)
L’un des plus beaux mélos du monde, grande histoire d’amour impossible entre deux lycéens que la classe sociale sépare, Deanie et Bud, dans l’Amérique provinciale du puritanisme, des fortunes pétrolières et de la grande dépression, sous l’égide du poète Wordsworth (le titre original, "Splendor in the grass", est celui d’un de ses poèmes). La dernière séquence est déchirante et a peut-être inspirée celle des Parapluies de Cherbourg (toute aussi déchirante). "La Fièvre dans le Sang" est de ces films qui déclenche les larmes à chaque vision (ils ne sont pas si nombreux). Bud, c’est le beau Warren Beatty débutant, Deanie, c’est Natalie Wood, juste sublime, dans ce qui reste son plus beau rôle. Et dans un second rôle de grande sœur rebelle, on remarque Barbara Loden, Mme Kazan, qui réalisera plus tard le superbe "Wanda". SK
49. "Twin Peaks: Fire Walk with Me", de et avec David Lynch (1992)
Un an à peine après la diffusion de l'ultime épisode de la saison 2 de "Twin Peaks", sort au cinéma "Twin Peaks : Fire walk with me", un long-métrage en forme de préquelle retraçant la longue descente aux enfers de Laura Palmer. Alors que "Twin Peaks" s'ouvrait sur la découverte du cadavre de la lycéenne, dont le fantôme planait sur les deux saisons, "Fire walk with me" relate les circonstances troubles de sa disparition. David Lynch, qui marque ici sa troisième apparition dans notre classement (mais pas la dernière) signe un film sublimement ouvragé, à la noirceur obsédante. Réflexion tétanisante sur la nature du mal et les canaux de sa propagation, "Twin Peaks : Fire walk with me" dresse le portrait d'une Amérique à deux visages, clinquante en apparence, mais rongée par d'insondables démons se nourrissant de la duplicité d'adolescents hésitant entre leur insouciance virginal, et leur attraction pour le chaos. C'est à la fois beau et terrifiant ; comme un grand film de David Lynch. LM
48. "Tous en scène", de Vincent Minelli (The Band Wagon, 1953)
Troisième et dernière comédie musicale à paraître dans notre classement après "Le Magicien d’Oz" (86e) et "Les Hommes préfèrent les blondes" (62e) - oui "Chantons sous la pluie" ne fait pas partie du classement (wtf ?) - "Tous en Scène" est quelque peu éclipsé par l’énorme popularité d’Un Américain à Paris dans la filmographie de Minnelli. Injustement, car le film compile les plus grands morceaux de bravoure du genre : l’arrivée à la gare d’un Fred Astaire en ex-superstar vieillissante, le pas de deux délicieux de Cyd Charisse et Astaire à Central Park en forme d’étreinte sexuelle à peine cachée, le tableau "The Girl Hunt", ballet hallucinant qui rend hommage au film noir américain. L’ensemble se conclut en apothéose par un chant général où les comédiens clament solennellement face caméra : "That’s Entertainment !" Drop the mic... LB
47. "Shining", de Stanley Kubrick (The Shining, 1980)
A sa sortie, le film déçut. Trop de codes liés au cinéma de genre alors très en vogue ("Halloween", "Massacre à la tronçonneuse", "Amityville"...) et déjà un peu exténués du film d’épouvante avec maison hantée et tueur à l’arme blanche. Mais en quatre décennies, le film n’a cessé de grandir et déployer sa puissance à soulever les frayeurs archaïques. Jamais on aurait anticipé d’avoir si peur avec le simple crissement d’un tricycle sur un parquet alternativement amorti par le moelleux d’une moquette aux étranges motifs géométriques orangés. Jamais une steadycam filant dans des embranchements incompréhensibles ou des arbustes-labyrinthes sous la neige n’aura à ce point figuré des forces déchaînées de la folie et de l’irrationnel s’abattant sur le monde. Jamais des images horrifiques ne nous auront à ce point imprégné. JML
46. "Les Enchaînés", d'Alfred Hitchcock (Notorious, 1946)
Sur le papier, c'est une histoire d'espionnage. Une jeune femme (Ingrid Bergman), fille de nazi exilé au Brésil, est séduite par un homme (Cary Grant, fastoche). Il s'avère qu'il est en réalité un agent américain chargé de la "retourner" contre la communauté nazie. Par amour, elle accepte la mission et se marie avec un ami de son père (Claude Rains). Premier point : esthétiquement, c'est sans doute l'un des plus beaux films en noir et blanc d'Hitchcock. Deuxième point : thématiquement, on y retrouve toutes les obsessions passées et à venir du maître britannique : la difficulté d'être sûr(e) d'être aimé de l'autre ("Soupçons", "Rebecca", "La Mort aux Trousses", etc.), les mères castratrices ("Marnie", "Les Oiseaux", "Psychose", etc.), la culpabilité (Bergman mène au début du film une vie de débauche). Le couple Ingrid Bergman (la blonde) et Cary Grant (le brun) s'accorde parfaitement, et ils atteignent des sommets dans l'art de l'acteur. Enfin, c'est tout simplement l'un des plus beaux films d'amour de toute l'histoire du cinéma. JBM
45. "Body Double", de Brian De Palma (1984)
Chef de file des post-hitchcockiens, Brian De Palma réalise avec "Body Double" l'un de ses meilleurs films et celui qui entretient avec l'oeuvre du maître du suspense le rapport le plus riche. Car "Body Double" se pose d'abord comme un habile maillage entre "Vertigo" et "Fenêtre sur Cour". Ce recyclage méta se double d'un discours sur le devenir des images au moment où le porno se déverse dans la culture populaire. Réflexion sur l'histoire du cinéma, sur les images et sur la jouissance du voyeurisme, "Body Double" est un chef d'oeuvre du cinéma post-moderne. BD
44. "L'Impasse", de Brian De Palma (Carlito's Way, 1993)
Depuis la fameuse scène au restaurant dans "Le Parrain", on sait que le bruit des rails est, pour Al Pacino, synonyme d’une tuerie imminente. Film d’entre les morts, L’Impasse prolonge la hantise et piège l’acteur dans une boucle temporelle à partir d’un coup de feu aussi inaugural que définitif sur le quai d’une gare. C’est le dernier rêve d’un mourant et le début d’une histoire d’amour. Et ni l’un ni l’autre ne conduisent aux Bahamas fantasmées. Désireux de se ranger après son passage en prison, Carlito Brigante n’a pas vu que l’époque lui glissait entre les doigts. Il pensait être Humphrey Bogart, filant à l’anglaise avec sa Lauren Bacall, alors qu’autour de lui, personne n’avait encore fait le deuil de Tony Montana (aucun des trois ne figurent d’ailleurs dans ce classement). Avec une ironie désespérée, De Palma montre qu’encore une fois le drame des fantômes est de croire en leur seconde chance. ADJ
43. "Rendez-vous", d'Ernst Lubitsch (The Shop Around the Corner, 1940)
C’est sous le nom de "Rendez-vous" que ce "Shop Around the Corner" a été re-baptisé pour sa version française. Un terme plus générique qui restitue à merveille le micmac amoureux dans lequel s’entortillent deux employés de la Matuschek Compagnie, ennemis jurés le jour, amants épistolaires la nuit. On a souvent dit du quatorzième film parlant de Lubistch qu’il était à part dans sa filmo et ce à juste titre. Rarement les personnages lubitschien auront eu l’allure de ces modestes employés de boutique. Comédie romantique par excellence, "The Shop around the corner" s’offre aussi comme une subtile satire sociale où il est bon ton de rappeler que le précepte romantique "vivre d’amour et d’eau fraîche" est un luxe que les petites gens ne peuvent pleinement s’offrir. MD
42. "Boulevard du crépuscule", de Billy Wilder (Sunset Boulevard,1950)
Immense film de cinéma sur le cinéma, "Sunset Boulevard" constitue la deuxième apparition de Billy Wilder dans notre classement. Le film s'ouvre sur le cadavre d'un homme flottant dans la piscine d'une luxueuse villa hollywoodienne. Une voix off interpelle le spectateur pour relater l'histoire du malheureux ; celle d'un scénariste raté criblé de dettes (William Holden) qui, en fuyant des huissiers, fait la rencontre de Norma Desmond (Gloria Swanson), une ancienne gloire du muet retranché dans les travées poussiéreuses de son manoir. Puissante méditation sur les fantômes du cinéma muet et le crépuscule des stars, "Sunset Boulevard" offre un somptueux écrin au talent sans borne de Gloria Swanson, qui, dans une confusion méta chamboulant réalité et fiction, rejoue la détresse qui fut la sienne au déclin de sa prodigieuse carrière. Avec ses caméos cinq étoiles (Erich von Stroheim en domestique placide, Buster Keaton et Cecil B. DeMille dans leurs propres rôles), "Sunset Boulevard" s'impose comme un chef d’œuvre paroxystique de l'âge d'or hollywoodien. LM
41. "Les Temps modernes", de et avec Charles Chaplin (Modern Times, 1936)
C’est le plus célèbre des films muets (pourtant sorti en pleine explosion du parlant – on y entend d’ailleurs Chaplin chanter), au point de camoufler sa bizarrerie psychologique et sa virulence politique. Car "Les Temps Modernes" est avant tout un film en état de délire et de démence, une satire de l’enfer dépressionnaire mêlant horreurs industrielles, visions kafkaïennes, et même un peu de drogue. C’est le problème des films légendaires : leurs piédestaux sont trop élevés pour bien les y voir. TR
40. "Pulsions", de Brian De Palma (Dressed to Kill, 1980)
L’oeuvre de Brian de Palma est combinatoire. Elle déplace deux ou trois motifs hitchockiens et chaque nouvel agencement accouche d’un élément nouveau : "Fenêtre sur Cour" + "Vertigo" = "Body Double" ; "Psychose" + "Vertigo" = ?"Pulsions"... La dilatation à l’infini de la scène de musée de Vertigo pour l’interrompre soudain avec le meurtre de "Psychose" (dans une cabine d’ascenseur plutôt que de douche) est une extase maniériste comme seul le ?fétichisme poussé à son plus haut point d’incandescence maniaque peut en engendrer. Spoiler : c’est un des deux films d’Angie Dickinson dans ce ?top. L’autre est plus haut, comporte moins de lames de rasoir mais plus de revolvers. JML
39. "The Party", de Blake Edwards (1968)
Un acteur originaire d'Inde, Hrundi V. Baksh, est venu tourner à Hollywood dans un remake de Gunga Din. Par erreur, il est invité à une party organisée dans la somptueuse villa d'un grand patron de studio. Il va semer la perturbation et rencontrer l'amour (la sublime Catherine Longet). A sa sortie, "La Party" reçut un accueil plutôt mitigé de la part du grand public, beaucoup de spectateurs lui reprochant sa lenteur. Et de fait, c'est ce qui est génial et profondément moderne, chez Blake Edwards : du burlesque au ralenti - qu'on peut aussi trouver chez Tati, mais qui se justifie aussi par le fait que le Français aime accumuler plusieurs gags dans un seul plan, ce qui n'est pas le cas chez Edwardes. Après un début bruyant (Hrundi V. Baksh fait accidentellement sauter un décor entier alors que la caméra ne tournait pas), Edwardes fait redescendre la pression (tout le monde s'ennuie dans cette soirée mortelle qui rappelle "La Notte" d'Antonioni), puis la faire remonter avec un sens de timing parfait, avant une explosion anarchique finale réjouissante, glamourisée par la musique d'Henry Mancini. En outre, "La Party" une magnifique histoire d'amour, qui dénonce, bien longtemps avant l'affaire Weinstein, les producteurs lubriques, et une sublime réflexion sur la gêne et le mépris social... Enfin, il serait temps qu'on souligne à quel point la performance de Steve Franken, dans le rôle du serveur alcoolique, est tout aussi impressionnante que l'interprétation étonnante de Sellers (qui frise quand même parfois la caricature raciale). JBM
38. "Peggy Sue s'est mariée", de Francis Ford Coppola (Peggy Sue Got Married, 1986)
Dans la foulée du carton de Retour vers le futur, Francis Ford Coppola, toujours endetté jusqu’au cou après le bide titanesque de "Coup de Coeur" et la faillite des studios Zoetrope, accepte de tourner une version adulte de la comédie à paradoxes temporels de Robert Zemeckis. Surprise : le film est le plus émouvant, le plus habité, le plus vibrant de son auteur. Tandis que Peggy Sue s’étourdit à revivre ses emballements d’adolescentes enrichie en saveurs par tout son savoir d’adulte, cet extraordinaire mélodrame joyeux imprime une palette affective particulièrement subtile et délicate. Toutes les émotions d’une vie défilent dans un chatoyant manège et Max Ophüls n’est pas si loin. JML
37. "Wanda", de et avec Barbara Loden (1970)
Jusque-là actrice et femme d'Elia Kazan, Barbara Loden écrit, réalise et interprète le personnage principal de Wanda, le seul film qu'elle pourra réaliser avant de mourir d'un cancer. Avec Sofia Coppola et Kelly Reichardt, Barbara Loden est la troisième réalisatrice présente dans notre classement. Mais plus qu'être féminin, Wanda est un chef d'oeuvre féministe. Comme le souligne Marguerite Duras, ce film est remarquable dans le brouillage qu'il opère entre Barbara et Wanda. Car l'errance aussi désespérée que sublime du film est autant celle du personnage de Wanda, femme d'ouvrier qui fuit son foyer pour tomber sous la coupe d'un voyou, que celle de Barbara Loden, actrice dont l'émancipation se heurte au pouvoir des hommes. BD
36. "Spring Breakers", de Harmony Korine (2013)
Chef-d’œuvre d’Harmony Korine, "Spring Breakers" est un entonnoir sidérant où se bousculent corps en pagaille, imageries contemporaines (Pussy Riot, gangsta rap, YouTube, télé-réalité) et un certain génie d’époque. Rien d’étonnant alors que le film se focalise autant sur les bouches comme si celles-ci aspiraient l’air du temps à travers alcools, substances et objets phalliques qu’elles engloutissent d’un même coup de langue. Car le vide à combler est à la mesure de la perte qu’il annonce : immense. L’insouciance du quatuor girly, pas vraiment farouche (sauf Selena Gomez, la brune du lot), parti se dépraver dans d’intenses bacchanales étudiantes en Floride, est entravée par un spleen profond où Korine saisit, en un raccord, le pur instant présent et le souvenir, forcément évanescent, qu’il laisse. Mélancolie sauvage à l’image de ce plan sublime où Vanessa Hudgens et Ashley Benson, siamoises blondes, en bikini d’un jaune phosphorescent, flingue à la main, s’en vont faire un carnage dans une maison rose fluo, comme surgie de nulle part sinon de leur rêve d’enfant. Juste avant que Young Thug et Joke n’interviennent, Harmony Korine avait bien compris que notre jeunesse s’écorchait avec des jets roses et violets. ADJ
35. "Certaines femmes", de Kelly Reichardt (Certain Women, 2017)
Quelque part dispersées aux quatre coins du Montana, une palefrenière effectue chaque jour les mêmes gestes, une professeure emprunte chaque soir la même route, une avocate répète les mêmes consignes à un client agité puis une autre femme prie un vieux monsieur de lui léguer les quelques vieilles briques qui trainent dans son jardin… C’est avec ces presque riens que Kelly Reichardt construit "Certaines Femmes". Pour son sixième long métrage, la cinéaste prouve à nouveau que c’est dans la simplicité que se loge, parfois, les plus vives héroïnes. Chronique quotidienne de quatre femmes, "Certaines Femmes" s’offre aussi comme une fresque romanesque où une simple séquence de diner se transforme en une sublime chevauchée nocturne. Comme dans un rêve éveillé. MD ?
34. "La Porte du paradis", de Michael Cimino (Heaven's Gate, 1981)
L’exemple canonique du chef-d’œuvre maudit. Massacré par la critique américaine, bide retentissant au box-office, "La Porte du Paradis" est devenu le symbole de la faillite du studio United Artists et de la fin du Nouvel Hollywood. C’est pourtant un grand film, un western démythifiant la conquête de l’Ouest pour la ramener à sa réalité sombre d’aventure coloniale sauvage, propulsé par une mise en scène lyrique, alternant digressions contemplatives et incises brutales. "Grand film malade" aurait pu dire Truffaut. SK
33. "Taxi Driver", de Martin Scorsese (1976)
"Are you talkin’ to me ?" est avant tout la phrase d’un dépressif. Celle d’un va-t’en-guerre, Travis Bickle, s’exerçant à intimider son reflet dans le miroir comme un enfant jouerait au cow-boy. Dernière de nos trois Palme d’Or classées, le film du trio gagnant Scorsese / Schrader / De Niro n’est qu’une attente de répondant et une demande de réciprocité. Un besoin (d’altérité, de sexe, de reconnaissance) qui cache une solitude désarmante accentuée par les saxos lacrymales de Bernard Hermann (pour sa dernière partition). Sillonnant un New York infernal à bord de son taxi comme l’on remonterait un Styx sans fin, Travis transforme sa triste ballade en une improbable quête de rédemption et n’est au fond pas si éloigné du Rupert Pupkin de "La Valse des Pantins", rêvant comme lui d’un quart d’heure de célébrité. ADJ
32. "La Soif du Mal" de et avec Orson Welles (Touch of Evil, 1958)
La lune de miel entre un policier mexicain et son épouse américaine est interrompue par un attentat à la bombe à un poste-frontière. Au-delà de la stupéfiante maîtrise de son célèbre plan séquence inaugural, "La Soif du Mal" se présente comme une œuvre déstructurée et nerveuse (on n’a rarement vu autant d’audacieuses angulations chez le cinéaste). La frontière géographique et celle qui sépare le Bien du Mal se distordent en un furieux free jazz pendant que les corps et les esprits se désaccordent sous les effets conjugués de la tension, de la chaleur et de l’alcool. Dans la peau d’Hank Quinlan, policier véreux qui s’empare de l’affaire, Welles est à la fois ogre intimidant et gamin boudeur rongé par la solitude, et les scènes où il se réfugie chez le personnage interprété par Marlene Dietrich sont parmi les plus déchirantes sa filmographie. AB
31. "Le Mécano de la Générale", de Buster Keaton et Clyde Bruckman (The General, 1926)
Johnnie Gray (Buster Keaton), un conducteur de train sans histoire a deux amours dans sa vie : sa fiancée et sa locomotive. Lorsque que la guerre de Sécession éclate et vient s’interposer entre elles et Gray, ce dernier se met à leur recherche dans une course-poursuite endiablée. Bâtissant entièrement son film sur la verticalité d’un aller puis d’un retour d’un train lancé à pleine vitesse, le pari fou de Keaton ne paye pas à sa sortie. Malgré son budget titanesque (le film contient la cascade la plus cher du cinéma muet), "Le Mécano de la Générale" sera même un four total. Près d’un siècle plus tard, le film a fort heureusement eu le temps d’être réévaluer. Plus encore, il a permis d’enfin reconnaître Keaton comme le plus grand cinéaste du mouvement et l'un des grands-pères du cinéma d’action. Car, sans lui, après tout, y’aurait-il eu "Mad Max : Fury Road" ? LB
30. "L'Impossible Monsieur Bébé", de Howard Hawks (Bringing up Baby, 1938)
Sommet de la screwball comedy, "L’Impossible M. Bébé" est, dès son titre, affaire d’intrusion. Le bambin en question n’est autre qu’un charmant léopard accélérant la nuit de noce entre Susan Vance, héritière excentrique, et David Huxley, paléontologue, un brin coincé, sur le point de se marier avec sa secrétaire (détail rapidement évincé). Intrusion donc : celle d’une joyeuse pagaille menée tambour battant par Susan dans le monde rectiligne du scientifique. Car c’est bien elle qui tient le tapis dans lequel lui n’arrête pas de se prendre les pieds. D’un coup, une anarchie burlesque entre par effraction dans la comédie de mœurs et ni l’une ni l’autre ne s’en remettront vraiment. Symptôme des mariages réussis : Katherine Hepburn et Cary Grant vont filer la métaphore sexuelle avec une espièglerie communicative (on cherche un os disparu tout du long…). ADJ
29. "La Monstrueuse Parade", de Tod Browning (Freaks, 1932)
"One of us !", s’exclament les créatures du freak show lorsqu’elles tiennent enfin leur vengeance contre celle qui a voulu les humilier. La monstruosité n’est évidemment pas dans l’apparence physique mais dans le comportement, et la beauté est d’abord celle de l’âme : telle est la leçon, peut-être évidente à force d’être rabâchée mais toujours aussi essentielle, du chef-d’oeuvre de Tod Browning. Échec à sa sortie (trop terrifiant, dira-t-on), ce film produit par la MGM pour contrer Universal, à la lisière du fantastique et du mélodrame, a aujourd’hui tendance à éclipser le reste de l’oeuvre de ce cinéaste homosexuel (qui savait donc ce qu’était le rejet), notamment son magnifique "L’Inconnu". Lynch en retrouvera l’esprit dans "Elephant Man". JG
28. "Certains l'aiment chaud", de Billy Wilder (Some Like It Hot, 1959)
Sans doute le film dont la dernière réplique ("Nobody’s perfect") est la plus célèbre du monde... Le scénario et des dialogues de Wilder, co-écrits avec son co-auteur habituel I.A.L. Diamond, frisent la perfection. Comment amener deux hommes hétérosexuels et cisgenres (deux musiciens d’orchestre de jazz), dans les années 30, à se déguiser en femmes ? En les mettant dans une position où leur vie en dépend : témoins du massacre de la St Valentin, les deux musiciens (Tony Curtis-Jerry, le saxophoniste et Jack Lemmon-Joe, contrebassistes) sont poursuivis par les gangsters auteurs du crime. Justement un orchestre féminin recherche une saxophoniste et une contrebassiste… Alors ils se travestissent. Mais voilà, dans le train qui les emmène en Floride, terre de prédilections des vieux milliardaires, Joe et Jerry rencontrent Sugar (Marilyn Monroe), chanteuse et joueuse de yukulélé portée sur la boisson et… les saxophonistes et les milliardaires. Tony Curtis, charmé, va devoir jouer un double-jeu, sans cesse obligé de changer de sexe, d’un côté pour pouvoir séduire Sugar et de l’autre afin de pouvoir garder sa place dans l’orchestre. La modernité thématique - sur l’identité sexuelle et sa fragilité (Jack Lemmon-Joe, notamment, finit par ne plus savoir s’il est un homme ou une femme…) - de ce film par ailleurs considéré comme l’un des grands classique de la comédie américaine, explique peut-être qu’il se retrouve si haut dans notre classement 2018. Mais c’est aussi l’un des plus beaux rôles de Marilyn Monroe (qui chante ici certains des titres les plus connus de son répertoire), une Marilyn dont Natalie Wood a donné un jour une très belle définition : "On voudrait qu’il ne lui arrive jamais rien de mal". JBM
27. "Matrix", de Lana et Lilly Wachowski (1999)
Aussi brutalement visionnaire que vaguement démodé (le cuir, les lunettes, Limp Bizkit, tout ça…), "Matrix" est le film par lequel le monde a plongé dans le millénaire numérique. Un sommet SF sous lequel s’est ouvert le précipice de la virtualité, à la fois champ infini de possibles (prendre la pilule rouge pour devenir un übermensch) et effroyable machine à cauchemars (les "champs" de bébés). Façon pays des merveilles – tout commence par un "suivez le lapin blanc". En est-on jamais revenu ? TR
26. "Rio Bravo", de Howard Hawks (1959)
John T. Chance (John Wayne), shérif exemplaire de Rio Bravo vient d’incarcérer le bandit Joe Burdette. Son frère, Nathan Burdette, l’une des personnes les plus influentes de la région ne compte pas le laisser croupir dans sa cellule. Barricadé dans la petite prison vétuste de la ville, Chance doit attendre l’arrivée des renforts alors qu’il est épaulé d’une équipe de freaks : le shérif adjoint Dude (Dean Martin) est un ivrogne, son collègue Stampy (Walter Brennan) un vieillard infirme. Comme à son habitude Hawks prend pour prétexte une intrigue minimaliste et classique d’un genre pour mieux réaliser une description attentive et minutieuse de ses personnages. Ici ce qui importe bien plus que les coups de fusils et autres cascades de cow-boys, c’est l’entraide mutuelle de ces trois hommes qui avaient presque oublié qu’autrefois ils étaient amis. L’arrivée de Feathers, une joueuse professionnelle va même déjouer les certitudes de John T. Chance sur l’amour et les femmes. Comme quoi même au Far West, il y a de la place pour les sentiments. LB
25. "Le mirage de la vie", de Douglas Sirk (Imitation of life, 1959)
Deuxième présence dans ce top de Sirk, l'esthète du mélo hollywoodien capiteux doublé d'une observation critique des plus aigües de l'Amérique des années 50 et de la normativité de ses rites sociaux. L'affrontement parents/enfants, les conflits générationnels sont une fois encore au coeur du récit, avec cette fois une étude très forte sur la honte de sa classe et de sa communauté vécue par une jeune femme noire. À noter que juste avant le tournage du film la sulfureuse Lana Turner sort d'un scandale judiciaire et médiatique tonitruant. Sa fille de 14 ans a poignardé et tué l'amant de sa mère, le gangster Johnny Stompanato, qui battait celle-ci sous ses yeux. A l'issue du procès, la star du Facteur sonne toujours deux fois est donnée pour finie. Mais contre toute attente, "Le Mirage de la Vie est un triomphe commercial et l'actrice redevient une des plus powerful d'Hollywood. JML
24. "Le Parrain", de Francis Ford Coppola (The Godfather, 1972)
Avant le "Que La Famille" de PNL, il y avait le pacte des Corleone : protéger sa famille, même s’il faut brûler en enfer. Peut-être que Michael aurait dû s’en méfier davantage à son retour du front ou peut-être qu’il avait déjà perdu la bataille. Un dîner dans un restaurant italien, un pistolet caché dans des toilettes, trois coups de feu comme trois coups frappés avant le lever de rideau d’une tragédie funeste, et le voilà déjà en enfer. Mais d’abord il y aura les honneurs et le sacre, et puis les regrets ("Le Parrain 2"), et puis l’horreur de n’avoir pu sauver personne ("Le Parrain 3"). Alors le rideau tombe et Michael, seul et vieux, s’écroule une dernière fois en rêvant des morts. LB
23. "Thé et Sympathie", de Vincente Minnelli (Tea and Sympathy, 1956)
Soixante ans avant Eddy de Pretto et Edouard Louis, Vincente Minelli s'en prenait déjà avec virulence à la virilité abusive. "Thé et Sympathie" décrit le calvaire social d'un jeune homme très peu porté sur le football dans un pensionnat de garçons très coercitifs. Seul réconfort pour le garçon sensible : l'épouse du prof de sport est Deborah Kerr, infiniment compréhensive, infiniment intuitive, infiniment laissée pour compte elle aussi par le cirque narcissique de la virilité. Même si Deborah et lui n'ont pas de lien de parenté, l'acteur principal s'appelle John Kerr. Kerr + Kerr donc, pour le film le plus sublimement queer de l'Hollywood classique. JML
22. "Diamants sur canapé", de Blake Edwards (Breakfast at Tiffany's, 1961)
"Diamants sur Canapé" a l’apparence d’un souvenir qui sentirait bon les cosmétiques. Changeant d’identité pour mieux tirer un trait sur ses origines sociales, Audrey Hepburn se voudrait pourtant sans mémoire pour être sans attaches. L’immeuble dans lequel se condense l’intrigue prend ainsi la forme de ce désir de fuite gigogne (on prend autant la porte que la fenêtre) en même temps d’en souligner son impossibilité (tout y ramène sans cesse). Avec légèreté et une élégante félinité, Holly Golightly se débat donc dans un vase clos. Car cette frivolité glamour qui rend le film de Blake Edwards si affriolant cache aussi une réalité plus sombre : celle d’un gigolo qui tombe éperdument amoureux de sa voisine escort. ADJ
21. "Johnny Guitar", de Nicholas Ray (1954)
Est-ce un western, est-ce un mélo, est-ce une tragédie, est-ce un film un peu baroque et barré ? Oui, tout cela. Un saloon adossé à la roche de la montagne, deux anciens amants qui se retrouvent après une longue rupture, des conflits d’intérêts terriens, des jalousies amoureuses recuites, une Joan Crawford brûlante et pré-transgenre, un Sterling Hayden cool dans les tempêtes... Nicholas Ray sublime ce marigot d’affects dans le chatoiement du technicolor, réservant les couleurs vives aux amants et le noir aux vilains. "Dis-moi un mensonge, dis-moi que tu n’as jamais cessé de m’aimer". Non, je n’ai pas cessé de t’aimer, "Johnny Guitare", mais ce n’est pas un mensonge. SK
20. "Les lumières de la ville", de et avec Charles Chaplin (City Lights, 1931)
Troisième et dernier film de Chaplin à figurer dans le top, "Les Lumières de la Ville" n’a pas la force politique du "Dictateur" ni l’éblouissante maîtrise du pantomime des "Temps Modernes" mais concentre en son cœur à peu près toute la tendresse du cinéma de Chaplin. Mélo ultime du cinéaste, il décrit les habituelles déambulations de Charlot qui devient l’ange gardien d’une jeune fleuriste atteinte de cécité. On ne se remettra jamais de cette rencontre finale durant laquelle un regard fait jaillir la lumière, et du sourire débordant de malice enfantine d’un Charlot qui n’aura jamais semblé aussi heureux. LB
19. "Apocalypse Now", de Francis Ford Coppola (1979)
Film sur et contre la guerre, "Apocalypse Now" est sans doute le film qui a le mieux montré l'horreur, la folie psychédélique (le film, comme la remontée du fleuve, ont été réalisés sous l'empire des drogues), et le mal absolu qui transforme peu à peu des hommes en des monstres assoiffés de sang, addicts à l'atrocité, qui n'ont d'autre solution que de s'en gaver et gaver encore, sans aucun espoir de revenir à la réalité, de retourner à la paix, qu'elle soit politico-militaire ou intérieures. La longueur du film (3h14) nous immerge dans un bain glauque, angoissant, dans le cerveau malade de soldats, d'hommes égarés aux limites de toute raison, drogués à la guerre sans espoir de retour. Coppola a suggéré qu'il allait produire une série pour la télévision à partir de la version Redux, comme il l'avait fait pour "Le Parrain". Jusqu'à ce jour, et peut-être ne le fera-t-il jamais, il semble avoir abandonné cette idée. Mais l'on sait qu'il reste des scènes (apparemment très violentes) tournées et jamais montées du film, qu'il était à la fin des année 70 inconcevable de montrer à un public non averti. Toujours est-il que les différentes formes du film ont obsédé longtemps Francis Ford Coppola, et qu'elles l'obsèdent peut-être encore aujourd'hui. Car la violence, le mal en l'homme, sont au cœur d'une partie conséquente de son cinéma, encore aujourd'hui. JBM
18. "Citizen Kane", de et avec Orson Welles (1941)
C’est le "Benjamin Button" du cinéma : à 25 ans seulement, Orson Welles s’imaginait déjà en vieillard agonisant. Autant dire qu’avec "Citizen Kane", premier film et premier chef-d’œuvre, longtemps tête de gondole de tous les classements, il démarre en fanfare, ouvrant en grand les portes de la modernité et inventant, quasiment à lui tout seul, la profondeur de champ (porte vers l’altérité). Puis le jeune homme pressé a vu bien des embûches se dresser sur son chemin. Sa tumultueuse carrière s’est ainsi terminée comme commence généralement celle des grands modernes avec un lot de films inachevés et fauchés, d’esquisses et de balbutiements géniaux. Dès "Citizen Kane", il faisait pourtant de la recherche d’une enfance perdue l’énigme d’une vie : comment arrive-t-on de "Rosebud" à Xanadu ? Ou alors est-ce l’inverse ? ADJ
17. "Le Parrain 2", de Francis Ford Coppola (The Godfather : Part II, 1974)
Quatrième et dernière apparition de Francis Ford Coppola dans ce top 100, "Le Parrain 2" a la particularité d'y supplanter son aîné, sorti deux ans plus tôt. Mieux, il apparaît dans notre classement comme le plus grand film d'un cinéaste ayant à son actif une poignée de chefs d’œuvre. C'est que le film, sorti à une époque lointaine où suites à répétition et grosses franchises hollywoodiennes n'étaient pas monnaie courante, a réussi la prouesse de prolonger les enjeux du film original tout en réinventant sa mythologie. Son secret ? Scinder le récit en deux temporalités avec d'un côté les tribulations shakespeariennes de Michael, fraîchement intronisé héritier de la lignée Corleone et, de l'autre, un flashback retraçant l'ascension new-yorkaise, à l'aube du XXe Siècle, du jeune Vito Corleone, campé par Robert De Niro dans l'un de ses plus grands rôles. Magistral. LM
16. "2001, l'Odyssée de l'espace", de Stanley Kubrick (2001: A Space Odyssey, 1968)
J’en connais qui n’aiment guère ce film, lui préférant Spielberg, alors que je n’échangerais pas une copie rayée de "2001" contre l’intégrale restaurée en 4K de l’auteur de "La Liste de Schindler". Ainsi vont les goûts… "2001" est fondateur de ma cinéphilie et cela est sans doute dû au fait de l’avoir découvert à l’âge de 10-11 ans, au Kinopanorama (salle défunte dotée d’un écran géant propice au 70mm) où m’avait emmené ma mère. Pour la première fois de ma jeune vie de spectateur, j’avais pris conscience que le cinéma n’était pas seulement un spectacle du samedi soir mais un lieu de mystère et de questionnements. D’où ma dette, et ma fidélité à "2001". Mais ce n’est pas qu’une affaire de principe ou de bio personnelle. J’ai revu le film cinq fois, dix fois, et chaque nouvelle vision m’a sidéré par sa modernité de fabrication et de vision (Kubrick anticipait Skype, les bugs informatiques, l’intelligence artificielle…), sa poésie (faire tourner planètes et satellites au son du Danube bleu, intuition géniale), son ampleur métaphysique (rien moins que le destin de l’humanité), sa teneur expérimentale inouïe pour un film produit par une major. Quel studio financerait aujourd’hui un film lent, quasi-muet, dépourvu de héros et de processus identificatoire, où la contemplation rêveuse l’emporte sur l’action, et dont le sens reste ouvert à toutes les spéculations ? Ou quel cinéaste saurait imposer un tel projet à un studio ? La beauté mystérieuse du film étant liée au mystère du destin de l’humanité et du cosmos, autant dire qu’on n’est pas prêt de l’épuiser. Jamais dépassé ni égalé, "2001" demeure le grand monolithe de l’histoire du cinéma. SK
15. "Psychose", d'Alfred Hitchock (Psycho, 1960)
Un an avant, en 1959, Hitchcock fait une démonstration éblouissante de ce que peut encore le cinéma, cette forme désormais en déclin, concurrencé par la télévision : déploiement du tournage aux quatre coins de l'Amérique, scènes d'action ébouriffantes, récit à multiples rebondissements, gigantisme généralisé en scope et en couleurs. En 1960 en revanche, Hitch se bat avec les armes de l'ennemi et transpose au cinéma la forme contractée qu'il avait expérimentée pour sa série TV "Hitchcock présente" : noir et blanc, image carrée, lieu quasi unique, dramaturgie simplifiée. "Psychose" ressemble formellement à ce que l'Amérique consommait à la maison. Mais que fait entrer Hitchcock dans la maison ? Une maison justement, la plus terrorisante jamais filmée, ruine gothique juchée sur sa butte. À la maison, cet espace domestique et matriarcal, le pire est possible. L'horreur se niche de la salle de bain à la cave. Ce serait plus prudent de retourner au cinéma. JML
14. "Elle et lui", de Leo McCarey (An Affair to Remember, 1957)
"Elle et Lui" est une histoire de confiance. C'est l'histoire d'une femme qui n'a d'abord pas tellement confiance dans les sentiments réels d'un homme, et d'un homme qui perd toute confiance dans la femme qui lui semblait la plus fiable qu'il soit. Et c'est l'art, finalement, qui va leur prouver qu'ils avaient tous les deux raisons de se faire mutuellement confiance. Lui, c'est Nickie, riche milliardaire d'origine provençale, alias Cary Grant, l'homme dont Hitchcock nous a bien montré qu'il était trop ambigu pour qu'on puisse se fier à lui : "Soupçons", "Les Enchaînés" ne racontent que cela. Elle, c'est Terry, alias Deborah Kerr, donc une actrice qui inspire le respect. La suite, il faut la voir, la revoir, la déguster, pour juger du génie de Kerr et de Grant, et comprendre que décidément, le cinéma est une histoire de fantômes qui peuvent éventuellement aider les vivants à se réparer. "Anything can happen, right ?", conclue Deborah Kerr ("Tout peut arriver, non ?"). JBM
13. "Fenêtre sur cour", d'Alfred Hitchcock (1954)
Chacun a son Hitch préféré : moi, c’est "Fenêtre sur Cour" (de peu, certes, devant "Vertigo", "La Mort aux Trousses", "Les Oiseaux" ou "Marnie"). Ici, Hitch est à son sommet de croisement entre le plaisir pur du spectacle haletant (la fameuse "tranche de gâteau") et la virtuosité conceptuelle – puisque ce film ne parle pas seulement d’un photographe en convalescence qui observe ses voisins, mais aussi de cinéma, du rapport entre le spectateur et l’écran, de sexe, d’impuissance et de conjugalité. Prenez James Stewart : c’est un reporter aventurier dont la jambe dans le plâtre est bien sûr une castration. L’idée du mariage, que lui propose avec insistance Grace Kelly, est aussi à ses yeux une forme de castration. Et que voit-il sur les fenêtres-écrans de l’autre côté de la cour ? Non seulement un possible meurtre mais aussi tous les états possibles de l’amour et du couple (ça, il m’a fallu plusieurs visions du film pour en prendre conscience et le formuler), soit toutes les hypothèses de sa future existence selon ce qu’il décidera avec Grace Kelly. Hitchcock, un de ceux pour qui le mot "génie" n’est pas frelaté. SK
12. "La mort aux trousses", d'Alfred Hitchcock (1959)
Est-il un film plus parfait au monde ? Certes, "Vertigo" est plus mystérieux, profond, sombre... Et "Fenêtre sur Cour" plus astucieusement théorique. Et "Psychose" plus violemment impactant. Mais "La Mort aux Trousses" est l'objet de démonstration le plus imparable de ce qu'on a pas peur de qualifier, au risque de paraitre un peu tarte, la magie du cinéma. La fascination pure d'un spectacle inouï. La quintessence de ce dispositif qui sidéra les foules au XXème siècle. La promesse d'un mouvement qui, de trains en avions, ne s'arrête jamais. Une circulation ininterrompue d'objets dont la valeur s'inverse sans cesse (un revolver postiche, une boite d'allumettes...). Toute la valeur ajoutée en terme d'érotisme et de puissance projection de ces figures humaines fétichisées connues sous le nom de stars (est-il un couple de cinéma plus glamour que Cary Grant et Eva Marie Saint ?). Et surtout le déploiement à son plus haut degré d'expressivité et d'hypnose, de ce fascinant système de signes, cette science magique des espaces, des durées, des ellipses et des associations visuelles, que d'aucun ont vénéré sous le nom de "mise en scène". Spectacle, star, mise en scène, équilibre inouï entre l'intention d'art et la volonté de divertissement : "La Mort aux Trousses", c'est toute l'aura d'une apogée du cinéma. JML
11. "A.I. Intelligence artificielle", de Steven Spielberg (2001)
Qu'aurait été "A.I." si Kubrick avait mené à bien ce projet longtemps en germe dans ces cartons autour d'un petit robot en manque d'amour ? Un film moins émouvant sans doute. Et évidemment moins spielbergien. Car en s'appropriant ce vieux projet kubrickien, Spielberg a décoché son film le plus personnel, où toutes ses obsessions (la terreur de l'abandon, l'enfant livré a lui-même...) vibrent d'une violence affective jamais atteinte, se déplient jusqu'à atteindre une étendue cosmique. Car il ne faut pas moins que le passage de plusieurs millénaires, l'extinction de plusieurs civilisations, la fonte des glaces et la métamorphose de la terre en globe exclusivement marin pour résorber le chagrin sans fond d'un petit orphelin. JML
10. "La Prisonnière du désert", de John Ford (1956)
Déjà en 1939, l’ouverture d’une porte déclenchait l’irruption de la couleur dans "Le Magicien d’Oz" et faisait basculer la pâleur du quotidien vers le merveilleux. Près de 20 ans plus tard, la porte du premier plan de "La Prisonnière du Désert" fera soudain jaillir la lumière, comme un morceau de pellicule que l’on projette sur un écran. Nous voilà invité au voyage, valsant au milieu du sable texan et des monolithes rocheux de Monument Valley. Un monde fait de mythologie où le dieu serait John Ford et son héros John Wayne, un monde où triomphe la fiction et où nos rêves de cinéphiles seraient nourris à jamais. LB
09. "Eyes Wide Shut", de Stanley Kubrick (1999)
Que le dernier film de Kubrick soit le mieux classé (et si haut !) relève de l’évidence : c’est celui de l’auteur qui a le plus à voir avec l’expérience cinématographique. Comme l’indique son titre mystérieux, tout tourne autour du regard et du désir ou non qui l’habite. Celui antonionien de Nicole Kidman d’abord qui se détourne de l’étreinte de son mari juste avant de lui révéler ses fantasmes adultérins. Une baise imaginaire qui va ensuite obséder Tom Cruise à mesure qu’il s’enfonce dans une nuit bleue, aussi longue qu’un tunnel sans fin où s’ébattent portes dérobées et regards évocateurs. Avec en pic cette fameuse partouze à l’ambiance très fin XVIIIe, son odyssée érotique où il ne jouira jamais métaphorise, en un sens, la trajectoire de tout spectateur, faite de frustration et d’obsession, de peur et de caresse. "Eyes Wide Shut" le murmure : tout fantasme naît d’un désir de mise en scène. ADJ
08. "Il était une fois en Amérique", de Sergio Leone (1984)
Je le cite souvent comme mon numéro 1, et s’il n’est pas 1 au gré de mes humeurs, il est toujours dans mon top 10. D’une histoire de gangsters new-yorkais qui pourrait sembler banale, Sergio Leone a tiré une saga sublime, ample, violente, mélancolique, qui est aussi une recherche proustienne du temps perdu (pour le coup vraiment perdu), une rêverie où le cinéma possède des propriétés similaires à celles de l’opium. Au passage, le cinéaste en profite pour recréer le monde englouti des shtetls d’Europe centrale à travers sa reconstitution sensible et précise d’un quartier juif de Brooklyn (ou du Lower East Side) des années trente, contemporaines de la montée du nazisme. Là encore, primat absolu du cinéaste : cadrages minutieux, dilatations dramatiques des durées, ralentis, agencement complexe du récit en multiples flashbacks et flashforwards qui dynamisent la narration mais aussi la complexité des relations entre les protagonistes. Ajoutons la partition extraordinaire d’Ennio Morricone, l’une des plus belles BO du monde, aussi bien en tant que telle que dans son ajustement au pouls du film. Et un casting ou chacun est à son sommet. À la fin du film, on est généralement dans le même état que Noodles/De Niro, dans la plénitude d’un sourire béat qui aura mis du temps à affleurer. SK
07. "Gerry", de Gus Van Sant (2002)
Quand il réalise "Gerry", Gus Van Sant est déjà installé. Quatorze ans plus tôt "Mala Noche" a fait de lui le petit prodige underground du cinéma US. Depuis, le natif de Portland s’est illustré dans des domaines bien variés, passant du film fauché au tube à Oscars ("Will Hunting"). Dans la carrière du cinéaste, "Gerry" apparaît comme un retour aux sources : à un mode de fabrication artisanal et à ce que le cinéma peut produire de plus brut. Filant en voiture sur une route interminable ou errant dans un désert infini, les deux amis de l'histoire (Matt Damon et Casey Affleck, co-auteurs du scénario inspiré d’un tragique fait divers) comme des enfants s’aventurant dans un grand jeu de piste, finiront par se perdre. À travers ce récit insensé, Gus Van Sant interroge, par des plans hypnotiques qui semblent ne jamais vouloir finir, la capacité du cinéma à enregistrer le tragique d’un destin. Rarement un film aura fait ressentir avec autant de force l’empreinte du temps et sa terrifiante irrémédiabilité. MD
06. "La nuit du chasseur", de Charles Laughton (1956)
Le seul film réalisé par le grand acteur britannique Charles Laughton alors qu'il a déjà 56 ans a d'abord été mal accueilli par la critique (notamment, en France, par le jeune François Truffaut), et le public, pour des raisons souvent morale religieuses (oui, le film oppose les bons aux mauvais, mais conspue aussi les faux dévots, les psychopathes qui se cachent derrière l'habit de révérend, et qui pratiquent le lynchage dans l'allégresse la plus totale). Le film noir qu'est "La Nuit du Chasseur" est aussi un conte de fée panthéiste au style expressionniste (on vante toujours, à juste titre, la photographique étonnante de Stanley Cortez, époustouflante). Mais ce qui dessine derrière ces angles bizarre, c'est que pour se réconcilier avec l'image paternelle (le vrai, le faux) et devenir un adulte qui régule (celui qui possède le temps - la montre que lui offre Rachelle Cooper à la fin du film), le jeune John devra trahir la mission bien trop énorme que lui avait confié son père génétique sous le sceau de la promesse : rendre le fruit défendu. "La Nuit du Chasseur" ou comment essayer d'en finir avec les fantômes du père. JBM
05. "Voyage au bout de l'enfer", de Michael Cimino (1978)
S’il existe des films dont le souvenir est semblable à un rêve, "Voyage au Bout de l’Enfer" fait partie des oeuvres qui nous reviennent comme des cauchemars, par visions, par flashes, comme si Cimino souhaitait reproduire sur nous la logique du trauma. Le Vietnam est un trou noir dans lequel Mike (Robert De Niro) ne cesse de replonger pour ramener ses amis à la surface. Le film se partage entre deux mondes, entre le cauchemar et l’éveil, entre le Vietnam et Clairton, une petite ville industrielle de Pennsylvanie que Cimino filme comme l’aurait fait John Ford : en trouvant l’Histoire dans les plis de l’intime, en réalisant un film d’amour et d’amitié déchiqueté par le film de guerre. MJ
04. "Elephant", de Gus Van Sant (2003)
Plus haut film de Gus Van Sant cité dans ce top après "My Own Private Idaho" et "Gerry", "Elephant" est un chef d’œuvre décidément étrange, autant du côté de la vie que de la mort, aussi réel qu’abstrait, aussi court (1h21) qu’immense. La caméra flottante imprime avec pudeur la vie anodine d’Alex, Eric, John, Elias, Jordan, Carrie, Nicole… et orchestre calmement un ballet où les corps de ces lycéens circulent déjà comme des fantômes. Car bientôt l’impensable arrive. Les portes claquent et les douilles tombent. Mais ne demandez pas à GVS d’y trouver un sens ou des "reasons why". Elles se trouvent sûrement dans un des recoins de ces couloirs vides et sans fins, mais personne n’y a voulu mettre l’œil. LB
03. "L'Aurore", de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)
Invité par William Fox à Hollywood pour concevoir un film sans aucune limite de budget, l'allemand Murnau réalise avec "L'Aurore" un chef d'oeuvre à l'inébranlable perfection. S'il est presque le plus vieux film de notre classement (juste derrière "Le Mécano de la Générale"), il en complète le podium avec une étonnante cohérence. Comme les deux films qui le devancent, "L'Aurore" est une reconfiguration du mythe de la blonde contre la brune. C'est entre ces deux pôles capillaires, qui incarnent tour à tour l'angélisme contre le vampirisme, le quotidien contre le fantasme ou la pureté contre la luxure, que semble se trouver un espace où naissent les meilleurs films du cinéma américain. BD
02. "Mulholland Drive", de David Lynch (2001)
Le cinéma entre dans le XXIème siècle par des larmes, celles de Betty (sublime et inoubliable Naomi Watts) qui coulent au Silencio et qui n’arrêtent pas de s’égoutter. Histoire d’un amour contrarié et de rêves peu à peu asséchés à force d’aimer sans retour, le chef-d’œuvre de Lynch met également en scène une passation de pouvoir, ne serait-ce que dans les influences qu’il brasse et qu’il remanie au moyen d’extraordinaires trouées oniriques. Passage d’une époque à l’autre, du rêve au cauchemar, ce film labyrinthique aux recoins inépuisables représente surtout un monde pourri, celui d’un Hollywood finissant qui se détraque de l’intérieur et d’où s’échappent bien des monstres épouvantables. C’est le cinéma dans son ensemble qui sort alors de ses gonds tel Betty estomaquant tout ce vieux monde à l’agonie lors d’une surprenante session de casting : personne n’en revient, "this is the girl". Astre noir dont la lumière ébène n’a pas fini d’irradier le cinéma contemporain, "Mulholland Drive" frappe là où plus grand monde n’osait s’aventurer, dans la frontière qui sépare le rêve de la réalité, l’imaginaire du réel. ADJ
01. "Vertigo", d'Alfred Hitchcock (1958)
Froidement accueilli à sa sortie, semi-échec commercial, il aura fallu plusieurs décennies pour que "Vertigo" s'impose aux yeux de l'internationale cinéphile comme "le plus beau film du monde". En France, un pallier décisif fut sa reprise en salle en mars 1984, générant presque un million d'entrées et révélant à une génération oubliée un film méconnu d'une profondeur et d'une poésie enténébrée rares. Depuis chaque ressortie (celle de 1997 fut aussi un événement) a fait grimper la cote de cette histoire de détective amoureux d'une femme-fantôme, blonde puis rousse, vivante et morte. Si "Vertigo" est le film préféré de la majorité des amoureux du cinéma, c'est évidemment parce que la fixation cinéphile est son sujet. Scottie est ce grand obsessionnel foudroyé à jamais par une image, incorporée puis projetée sur toutes les autres. Un effet-miroir suffisamment réfléchissant pour faire de "Vertigo" le film-fétiche de ces grands fétichistes que forment toutes les tribus cinéphiles. JML
Top individuels
Emily Barnett
1) Vertigo d'Alfred Hitchcock (1958) ex-æquo avec Mulholland Drive de David Lynch (2001)
2) L'Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)
3) Elephant de Gus Van Sant (2003)
4) Pulsions de Brian De Palma (1980)
5) Tous en scène de Vincente Minnelli (1953)
6) Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (1999)
7) Opening Night de John Cassavetes (1978)
8 ) La Nuit du chasseur de Charles Laughton (1955)
9) La Soif du mal d'Orson Welles (1958)
10) Le Magicien d'Oz de Victor Fleming (1939)
Ludovic Béot
1) Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
2) Rio Bravo d'Howard Hawks (1959)
3) Les lumières de la ville de Charles Chaplin (1931)
4) Le Parrain (1,2,3) de Francis Ford Coppola (1972-1974-1990)
5) Il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone (1968)
6) Two Lovers de James Gray (2008)
7) Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch (1943)
8 ) 2001 : l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (1968)
9) Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen (2013)
10) Elephant de Gus Van Sant (2003)
Iris Brey
1) Vertigo d'Alfred Hitchcock (1958)
2) Une femme sous influence de John Cassavetes (1974)
3) Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955)
4) Wanda de Barbara Loden (1970)
5) Outrage d'Ida Lupino (1950)
6) Thé et Sympathie de Vincente Minnelli (1956)
7) Blue Velvet de David Lynch (1986)
8 ) Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (1999)
9) Duel au Soleil de King Vidor (1946)
10) La dame du vendredi d'Howard Hawks (1940)
Alexandre Buyukodabas
1) Vertigo d'Alfred Hitchcock (1958)
2) Citizen Kane d'Orson Welles (1941)
3) 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968)
4) Twin Peaks : Fire Walk With Me de David Lynch (1992)
5) Voyage au bout de l’Enfer de Michael Cimino (1978)
6) La Nuit du chasseur de Charles Laughton (1955)
7) Rencontre du 3e type de Steven Spielberg (1977)
8 ) Matrix des Wachowskis (1999)
9) Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972)
10) Love Streams de John Cassavetes (1983)
Luc Chessel
Par ordre chronologique :
1) The Kid de Charles Chaplin (1921)
2) Sérénade à trois d’Ernest Lubitsch (1933)
3) La chasse à l'homme de Fritz Lang (1941)
4) Les amants de la nuit de Nicholas Ray (1948)
5) Le port de la drogue de Samuel Fuller (1953)
6) The Exiles de Kent McKenzie (1961)
7) Milestones de Robert Kramer (1975)
8 ) They Live de John Carpenter (1988)
9) The Matrix des Wachowski (1999)
10) A History of Violence de David Cronenberg (2005)
11) Un jour dans la vie de Billy Lynn d’Ang Lee (2016)
Bruno Deruisseau
1) Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
2) Lost Highway de David Lynch (1996)
3) Body Double de Brian De Palma (1984)
4) My Own Private Idaho de Gus Van Sant (1991)
5) Soudain l'été dernier de Joseph L. Mankiewicz (1959)
6) Under the skin de Jonathan Glazer (2013)
7) Bound des Wachowski (1996)
8 ) The Swimmer de Frank Perry (1968)
9) Boulevard du crépuscule de Billy Wilder (1950)
10) Showgirls de Paul Verhoeven (1995)
Antoine Du Jeu
1) Mulholland Drive de David Lynch (2001)
2) La trilogie du Parrain de Francis Ford Coppola (1972, 1974, 1993)
3) L’Impasse de Brian De Palma (1993)
4) Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (1978)
5) La Mouche de David Cronenberg (1986)
6) Il était une fois en Amérique de Sergio Leone (1984)
7) Gerry de Gus van Sant (2002)
8 ) La soupe aux canards de Leo McCarey (1933)
9) To be or not to be d’Ernst Lubitsch (1942)
10) The King of New York d’Abel Ferrara (1990)
Marilou Duponchel
1) Gerry de Gus Van Sant (2002)
2) The shop around the corner (1940) / Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch (1943)
4) Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
5) Certains l’aiment chaud de Billy Wilder (1959)
6) Two Lovers de James Gray (2008)
7) Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola (1986)
8 ) Les désaxés de John Huston (1961)
9) Pulsions de Brian De Palma (1980)
10) A.I de Steven Spielberg (2001)
Helene Frappat (sans ordre)
L'impossible Monsieur Bébé d'Howard Hawks (1938)
La prisonnière du désert de John Ford (1956)
La Féline de Jacques Tourneur (1942)
Halloween de John Carpenter (1978)
Le Solitaire de Michael Mann (1981)
Thé et Sympathie de Vicente Minnelli (1956)
The Party de Blake Edwards (1968)
Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972)
Obsession de Brian De Palma (1976)
Vertigo d'Alfred Hitchcok (1958)
Jacky Goldberg (sans ordre)
Rio Bravo d'Howard Hawks (1959)
Micky + Maude de Blake Edwards (1984)
Vertigo d'Alfred Hitchcock (1958)
A.I. de Steven Spielberg (2001)
Mulholland Drive de David Lynch (2001)
Profession Reporter de Michelangelo Antonioni (1975)
Benjamin Button de David Fincher (2008)
Miami Vice de Michael Mann (2006)
Man on the Moon de Milos Forman (1999)
Broadcast News de James L. Brooks (1987)
Murielle Joudet
1) Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
2) Seuls les anges ont des ailes de Howard Hawks (1939)
3) Chantons sous la pluie de Stanley Donen (1952)
4) L’aigle vole au soleil de John Ford (1957)
5) L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)
6) La route semée d’étoiles de Leo McCarey (1944)
7) Une femme cherche son destin d’Irving Rapper (1942)
8 ) Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (1978)
9) Taxi Driver de Martin Scorsese (1976)
10) L’impératrice rouge de Josef von Sternberg (1934)
Olivier Joyard
1) Vertigo d’Alfred Hitchcock (1958)
2)Thé et sympathie de Vincent Minnelli (1956)
3) Elephant de Gus Van Sant (2003)
4) Mulholland Drive de David Lynch (2001)
5) Walden de Jonas Mekas (1969)
6) Wanda de Barbara Loden (1970)
7) Screen Tests d'Andy Warhol (1966)
8 ) Mirage de la vie de Douglas Sirk (1959)
9) Elle et Lui de Leo Mc Carey (1957)
10) The Party de Blake Edwards (1968)
Serge Kaganski (dans l’ordre très aléatoire de préférence du jour)
Il Était une fois en Amérique de Sergio Leone (1984)
Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock (1954)
2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968)
Le massacre de Fort Apache de John Ford (1948)
Mulholland Drive de David Lynch (2001)
Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (1978)
Casino de Martin Scorsese (1995)
La fièvre dans le sang d'Elia Kazan (1962)
Le Temps d’aimer le temps de mourir de Douglas Sirk (1958)
Profession : reporter de Michelangelo Antonioni (1975)
Jean-Marc Lalanne
1) La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock (1959)
2) Le mirage de la vie de Douglas Sirk (1959)
3) L’aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)
4) Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch (1943)
5) La femme modèle de Vicente Minnelli (1957)
6) Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola (1986)
7) Elephant de Gus Van Sant (2003)
8 ) L’impossible M Bébé d'Howard Hawks (1938)
9) Mulholland Drive de David Lynch (2001)
10) La nuit du chasseur de Charles Laughton (1955) / A.I de Steven Spielberg (2001) / Pulsions de Brian De Palma (1980)
Gerard Lefort
1) Les temps modernes de Charlie Chaplin (1935)
2) L’intruse de Friedrich Wilhelm Murnau (1930)
3) Les amants de la nuit de Nicholas Ray (1949)
4) Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock (1954)
5) Shining de Stanley Kubrick (1980)
6) Elephant man de David Lynch (1980)
7) La dame de Shanghai d'Orson Welles (1947)
8 ) Wanda de Barbara Loden (1970)
9) La nuit du Chasseur de Charles Laughton (1955)
10) Mirage de la vie de Douglas Sirk (1959)
Jean-Baptiste Morain
1) Le Fleuve de Jean Renoir (1951)
2) La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock (1959)
3) La folle ingénue d’Ernst Lubitsch (1946)
4) Thé et sympathie de Vincente Minnelli (1956)
5) Mogambo de John Ford (1953)
6) Hatari ! d’Howard Hawks (1962)
7) Les Temps modernes de Charles Chaplin (1935)
8 ) La Nuit du chasseur de Charles Laughton (1955)
9) Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola (1986)
10) Obsession de Brian De Palma (1976)
Léo Moser
1) Boulevard du crépuscule de Billy Wilder (1950)
2) Mulholland Drive de David Lynch (2001)
3) 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (1968)
4) Vertigo d'Alfred Hitchcock (1958)
5) L'Aurore de F.W.Murnau (1927)
6) Le Parrain 2 de Fancis Ford Coppola (1974)
7) Voyage au bout de l'enfer de Micheal Cimino (1978)
8 ) Gerry de Gus Van Sant (2002)
9) Le Mécano de la General de Buster Keaton (1926)
10) Magnolia de Paul Thomas Anderson (1999)
Vincent Ostria
1) 2001, l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968)
2) En quatrième vitesse de Robert Aldrich (1955)
3) Eraserhead de David Lynch (1977)
4) Freaks de Todd Browning (1932)
5) Inauguration of the pleasure dome de Kenneth Anger (1954)
6) L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927)
7) La Féline de Jacques Tourneur (1942)
8 ) Les Oiseaux de Alfred Hitchcock (1963)
9) Meshes of the afternoon de Maya Deren et Alexander Hamid (1943)
10) The Party de Blake Edwards (1968)
Théo Ribeton
1) Inside Llewyn Davis de Joel et Ethan Coen (2013)
2) Apocalypse Now de Francis Ford Coppola (1979)
3) La dame du vendredi d'Howard Hawks (1940)
4) Les Enchaînés d'Alfred Hitchcock (1946)
5) Les 101 Dalmatiens de Clyde Geronimi (1961)
6) E.T. de Steven Spielberg (1982)
7) Good Time de Ben et Josh Safdie (2017)
8 ) Cette sacrée vérité de Leo McCarey (1937)
9) Birth de Jonathan Glazer (2004)
10) Super 8 de J.J Abrams (2011)