Je viens de finir de lire "Le cinéma du diable" dans une version bien abîmée et désuète et c'est absolument fascinant... une lecture brillante qui met en lumière une sensibilité hors du commun et un art de la lecture existentielle on ne peut plus précieux, comme en témoigne si bien son cinéma d'ailleurs.
“Tantôt mauvais, tantôt bon, le Diable personnifie l'énergie du devenir, l'essentielle mobilité de la vie, la variance d'un univers en continuelle transformation, l'attrait d'un avenir différent et destructeur du passé comme du présent. Cette incessante démarche vers la nouveauté semble purement anarchique, car elle ne s'inféode à aucun ordre, les employant tous selon ses besoins et en créant d'inédits, les rejetant tous quand ils deviennent inutiles ou gênants, même celui de la raison. Qu'importe la voie ou l'instrument, ce qui compte, c'est de vivre davantage, d'éprouver et de connaître plus, de découvrir à chaque fois du visible dans le non-vu, de l'audible dans le non-entendu, du compréhensible dans l'incompris, de l'aimable dans le non-aimé.”
“L'irréel n'est pas le néant, mais la non-matière et le lieu, où le réseau mathématique de l'esprit pêche et modèle les formes du réel. D'autre part, le réel n'est plus à considérer comme un continu, uniformément déterminé, de réalités parfaitement assises et spécifiées telles à jamais, mais bien plutôt comme une poussière de réalisations plus ou moins aléatoires, plus ou moins prononcées, plus ou moins réelles et irréelles, vibrant entre tous les degrés d'existence et d'inexistence. Ainsi, le cinématographe qui nous a déjà conduit à penser l'équivalence profonde de la matière et de l'esprit, du continu et du discontinu, de l'aléatoire et du déterminé, nous indique aussi la communauté foncière du réel et de l'irréel, qui sont liés par de fines transitions et qui se font et se défont, l'un de l'autre, l'un dans l'autre, l'un par l'autre.”
Je t'en prie ! Et non, je ne l'ai pas lu, mais je note, merci. J'ai trouvé L'intelligence d'une machine aussi à ma librairie, je l'achèterai également...
En tout cas, je lis le Cinéma du diable après Qu'est-ce que le cinéma ? de Bazin qui, si c'est un beau texte, m'a semblé trop pédagogique. Là, c'est clairement dans l'esprit de l'oeuvre d'Epstein et très fin sur les phénomènes physiques et épidermiques qui régissent le monde, et comment cela se traduit au cinéma.