Je pense que la réception positive du film est quand même très fortement liée au sujet, quasi-inataquable.
Pour ma part, j'aime bien l'idée de prendre autant le point de vue des habitants de Timbuktu que celui des djihadistes. Ça permet finalement de voir une bande de petits fonctionnaires du Mal, de pieds nickelés un peu ridicules qui ne savent pas forcément ce qu'ils font là, sont incapables d'enregistrer leur vidéo de propagande ou de conduire une voiture, parlent de foot tout en interdisant eux-mêmes la pratique et se cachent pour fumer une clope. Le fait de les ridiculiser plutôt que de les diaboliser rend le film d'autant plus fort. Même si dans le genre "les charlots font le djihad", un comédie réellement grotesque comme Four Lions, vue hier, m'a semblé autrement plus frappante.
Le défaut, pour moi, c'est que ça reste un catalogue de situations des différentes conséquences de la prise de Timbuktu par l'AQMI (interdiction de jouer au foot, d'écouter de la musique, mariages forcés, justice pour le moins expeditive, etc.). On sent trop la volonté de faire un film à thèse. Tout ça manque à mon goût cruellement de feuilleton, de péripéties? de fiction, en fait.
Un beau film, assez terrible et d'actualité qui plus est. Le traitement du sujet me semble tout à fait pertinent, sans pathos ni ( trop ) de surlignage émotionnel. Un 6.5 sévère compte tenu du fait que j'étais un peu fatigué lors de la projection. A réévaluer à la hausse dans quelques temps...
Témoignage d'une beauté simple sur l'effondrement d'une culture paisible et ancestrale au profit d'un extrémisme religieux, Timbuktu a l'intelligence de ne pas sombrer dans la vulgaire dénonciation. Refusant la description d'un univers manichéen, Sissako met avant tout en scène l'absurdité de la situation, et la bêtise si humaine qui transparait chez certains personnages. Quelques séquences d'une grâce inouïe et presque inattendue (la partie de football ou la scène de ballet imaginaire) renforcent d'autant plus l'identité du film et la volonté du réalisateur de décrire le quotidien d'hommes que l'on a envie d'aimer, mais qui, confrontés à un monde qui les dépasse et les entraîne dans une spirale de violence, vont à leur perte. Mention spéciale à la photographie, notamment dans le désert. Certains cadres, presque picturaux, convoquent un orientalisme romantique que n'aurait pas renié David Lean.