Le Tempestaire

Mon CL
  • Connectez-vous
Outils
  • Connectez-vous
Gestion
  • Connectez-vous
Commentaires
24/07/2014 22:59:58
absinthe qui enterre mes espoirs de le voir en top découverte :snif2:
24/07/2014 23:19:42
Désolé, j'adore Epstein (c'était mon 5ème du bonhomme et le premier en dessous de 8) mais j'ai trouvé le jeu d'acteur à la frontière du ridicule... Pourtant, je suis client de ce genre de diction à la Bresson mais là ça m'a juste semblé faux et brouillon. Après, c'est clair que ce n'est pas le plus important, visuellement c'est élégant, c'est du Epstein, mais ça m'a semblé paradoxalement un peu maigre sur 20 minutes. Ça ne m'a pas emporté. Dommage, surtout après Chanson d'Armor qui m'avait littéralement enchanté même si je n'ai rien bité à ce qui se disait.
25/07/2014 03:14:37
@absinthe

Je comprends que le Tempestaire puisse rendre sceptique, mais je pense que c'est un film qui mérite plusieurs visionnages parce que c'est peut être le Epstein le plus abouti. Parce que tout est pensé et parfaitement équilibré, la tempête est aussi la tempête intérieure qui s'agite dans la jeune femme, et elle est omniprésente, dans les extérieurs les hommes sont comme écrasés par les éléments (d'ailleurs je trouve que la manière dont Epstein cadre le ciel ressemble à celle de Malick, en plus de la diction des acteurs qui annonce Bresson et des expérimentations sur l'océan), dans les intérieurs le bruit du vent se dilate sans cesse.
Plus je le revois plus je suis impressionné par la manière avec laquelle Epstein synthétise tout son cinéma en 20 minutes: les paysages, l'extraordinaire équilibre entre les plans, qui s'enchaînent avec une fluidité rare, Epstein devinant instinctivement quelle valeur temporelle doit avoir chaque image (c'est pourquoi ce gros plan sur la fille offrant son collier ne cesse d'émouvoir - elle offre son rationalisme chrétien au mysticisme du tempestaire, à l'animisme du cinéma).
Et puis il y a ce génie de charger chaque plan et paysage d'indicible, d'un aspect mystique (ce qu'on retrouve chez Dumont d'ailleurs), les vagues s'animent d'une existence propre, le vent omniprésent (a noter l'énorme travail sur le son, qui mérite une certaine attention, perso j'avais pas fait gaffe la première fois mais on entend le vent partout, au début en son direct dans la tempête, puis il se distille petit à petit, octave par octave, mais on le sent sans cesse).
Enfin je pense qu'il faut voir ce film comme un testament, Epstein réalise son dernier grand film, le Tempestaire c'est presque tout son art en 20 minutes avec en plus une volonté d'expérimenter et d'innover (et cet aspect est d'ailleurs typique de son cinéma). Et puis cette chute mutique de la boule au ralenti, le mystique abattu par la modernité, l'indicible qui s'efface, une carrière fleuve qui s?achève en un dernier mouvement de caméra, je trouve ça très émouvant.
Bref, pour moi le Tempestaire c'est tout ça (et bien plus évidemment!), un testament magnifique qui mérite d'être revu si jamais le c?ur t'en dis :ok:
25/07/2014 04:38:03
La scène de la fille qui offre son collier est magnifique en effet, j'ai tout de suite pensé à Bresson, il y a un peu de cela dans Pickpocket ou Au Hasard Balthazar. Dans l'absolu ce genre de scènes c'est tout ce que j'aime (et recherche) au cinéma : une sorte de catharsis, de moment de lévitation comme seul le cinéma peut nous les offrir... Mais même si c'est parfois le cas pour certains films, ici, la scène n'a pas fait le film pour moi. Le jeu d'acteur m'a empêché de m'investir émotionnellement.

J'essaierai de le revoir, de toute façon ce genre d'oeuvres à la frontière des genres et des formes prennent toujours du temps pour mûrir dans mon esprit, comme Au Hasard Balthazar, Mouchette et l'Atalante par exemple.

Ton interprétation est très juste en tout cas. ;)
31/01/2017 23:01:18
Je trouve très juste tout ce que dit Plume. Par ailleurs j'ai pu me procurer le coffret de Potemkine sur Epstein et dans les bonus il y a une intervention passionnante de Bruno Dumont qui explique ce que son cinéma doit inconsciemment à Epstein et tout ce que le monsieur représente de neuf dans le cinéma, c'était absolument absolument passionnant.

Plume est-ce que éventuellement tu as lu ce que Epstein a écrit sur le cinéma ? C'est accessible ?
07/11/2018 20:03:59
Le film m'a complètement happé, je ne m'attendais pas à une ambiance aussi étrange, presque sinistre avec la musique et tout le travail sur le son qui y sont pour beaucoup.
C'est du fantastique dans ce qu'il y a de plus pur et en ce qui concerne la diction des acteurs je trouve qu'elle participe bien au sentiment d'étrangeté qui émane du film.
Sans parler de la beauté avec laquelle Epstein filme les éléments, il a un sens de l'esthétique remarquable.
15/04/2020 16:45:53

Jean Epstein : un phare dans la tempête. Cinéaste de génie, alchimiste des éléments et de leurs innombrables mouvements le prodigieux fils prodigue de l'avant-garde du Septième Art accouche en 1948 d'un court métrage testamentaire d'un beauté morganatique sans précédent : Le Tempestaire, véritable chant du cygne pour son réalisateur. Un point d'orgue d'expérimentations en tous genres, redéfinissant à l'infini la notion de rythme et celle de la cinétique pure et dure : un poème mêlé d'écume et de vent, de ressac et de nuages brumeux. Un chef d'oeuvre d'hypnose.

Au même rang que Les travailleurs de la mer de Victor Hugo Le Tempestaire de Jean Epstein rejoint les grandes pièces artistiques concernant l'Océan et ses éléments, la fatalité chimique sous laquelle ploie inéluctablement l'homme, reléguant au second plan ses aspirations pour la conquête et l'exploration ; il s'agit bel et bien d'un authentique ananké des forces maritimes dans ce poème au goût prononcé pour le mysticisme et le légendaire, d'un petit bijou de cinéma plaçant très haut la puissance des images et celle du son.

Prenant la forme d'un conte Le Tempestaire n'est rien de moins qu'un paradigme de montage et de photo-cinégénie. Epstein y pense chacun de ses plans par et pour leur durée et chacun de ses raccords, jouant de ses réminiscences et de ses recompositions temporelles à la manière des attractions des travaux de Serge Eisenstein et de Dziga Vertov ; il honore également l'héritage des débuts du cinématographe, reprenant les célèbres trucs du cinéma de Georges Méliès pour mieux leur insuffler sa propre identité artistique. En résulte un objet passionnant à contempler et/ou à étudier, capable aussi bien de s'adresser aux esthètes qu'aux exégètes : c'est sublime.