Tardes de soledad

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Commentaires
05/03/2025 20:19:01

Le dernier numéro des cahiers vend du rêve, ca a l'air ouf. Trop hate.

26/03/2025 14:43:17
Avis

3 salles pleines dont Albert Serra fait le tour à la manière d'un provocateur. "Une véritable expérience de cinéma (...) certains d'entre vous, vous allez voir du cinéma pour la première fois".

Avant l'écran, le spectacle se construisait déjà là. Faire un documentaire "honnête" sur la corrida n'est pas chose évidente, mais via des dispositifs bien différents de la télévision (hyper gros plans backstages), des scènes à rallonges sous tension et rebondissements, et la maîtrise de l'épaisseur du temps réel, Serra et son équipe ingénieuse réussissent à faire ce qui n'avait encore jamais été fait à l'écran.

Je ne penses pas que s'inscrire dans le genre "documentaire" ébranle ou déforme le cinéma de Serra, il en a l'habitude, d'épouser ce réel, et dans ce cas, il le dit, il était impossible d'imaginer intervenir dans ce qui est déjà abondant en vérité. Mais plus encore, de cette artificialité apparente (de la représentation partielle et du sujet-spectacle qui se sait représentation), on arrive à rendre compte de la matière, de la vie, de l'organique, sans aucune commune mesure dans la vie réelle. La force du cinéma, du vraie, c'est de "montrer" un réel plus complexe et plus riche de vie que ce qu'on lui connaît, sans pour autant le trahir.

Retranscrire, sans intervenir (malgré quelques moments de grace où la caméra devient sujet). Serra va complètement se défaire du temps chronologique pour l'étirer, l'organiser comme il l'entend. Dans le brouillard du temps, l'après-midi du titre va s'étirer sur 2 heures pleines à ras bord, prêtes à exploser sous le soleil.

En s'abrogeant le droit de filmer à plusieurs caméras, Serra ne fait pas le choix de l'épilepsie au montage (ça aurait été étonnant), mais plutôt, comme à son habitude de la bonne prise, celle qui étrangle et dérange.
Andrès Roca Rey (1 des meilleures torero du monde) et son équipe, sur la piste, et dans les transports. A l'action et à la réaction.
La piste, endroit antique et sacré où la vie doit triompher et périr en même temps. Le van, aux allures de vaisseau spatial, donne l'impression d'un voyage à travers le temps et l'espace. L'équipe du torero est en autarcie totale et il est d'un sentiment bien étrange que de filmer le contemporain et d'en faire surgir une oeuvre qui s'y inscrit en creux en tous points. Si Roca Rey n'avait pas cette attention si particulière pour ses cheveux, son apparence, et le regard des autres, le film aurait pu être anti-moderne. Mais cet être me donne des relents mystiques, il est d'une présence qui laisse san voix, et qui ne se dit, mais qui se sent. Son expressivité bouleverse tout, et rend caduque les encouragements et félicitations grossières de son équipe. Les dialogues de ces hommes qu'on croirait sortis de la Reconquista sont superflus, ils remettent en question toute la noblesse de la mort, enroulant le cruel à la vie. Roca Rey est à l'écart de ce gargantuisme, il doute, et derrière ses exploits, dans la lourdeur du silence, il évacue ce qu'il y a de trop. Il est habité par une force qui se lit sur son visage, et dont le corps prend acte. Le costume comprime ce sur quoi il peut agir, mais ne peut empêcher les débordements métaphysiques que provoquent ces expériences. En proie à donner la vie et la mort, c'est à un rôle divin que le torero postule.
La bande sonore n'a que peu d'égale dans ce que j'ai déjà vu en prise de son réel, les spectateurs sont omniprésents, alors qu'ils sont écartés de l'image, les micro HF mis sur toute l'équipe rajoutent anti-naturellement des couches de vie à ce qui en est déjà plein.

En liant les époques, les temps, les lieux, le portrait est fait, chaque séquence respire et filme le dernier souffle de vie, pour en faire redémarrer une autre, transcendé par une bande son qui multiplie les liaisons entre sacré et profane.
26/03/2025 18:03:06

C'est fou... Mélange entre humanité bestiale et bestialité humanisée. Un procédé dingue, un mixage sonore fou, une intensité rarement vu, film de l'année!

30/03/2025 20:34:12

Petite critique vidéo plus complète que cette phrase d'accroche: Critique de Tardes de soledad

31/03/2025 12:11:39

C'est ta chaine ?

31/03/2025 22:47:32

yes! On l'a ouverte il y a plus de 10 ans avec wannafight. Laissée à l'abandon pendant un moment, je me suis chauffé depuis un an pour la re-dynamiser. 

Serviam a écrit :

C'est ta chaine ?

07/04/2025 18:21:32

Ah oui le film est arrivé en boucherie d'ailleurs. (pour une fois mon allusion n'est pas totalement hors sujet)

08/04/2025 21:39:27

Le visionnage a été éprouvant  mais quelle expérience.

Je rejoins à peu près tout le monde, c'est vraiment un film qui marque et le dispositif technique est vraiment à saluer, notamment le son, partout et là où il faut à la fois. L'initiative est vraiment intéressante, par son sujet choc déjà et par la "neutralité" recherchée qui amène le film vers une certaine pureté du moment incroyable, donnant même l'impression de distordre le temps.  

Néanmoins je pense que la "neutralité" voulu du point de vue peut autant être considéré comme une force qu'une faiblesse. Certains vont peut-être sortir de la salle avec un petit sentiment d'inachevé.

Aussi, le côté répétitif du dispositif et notamment, l'enchainement de nombreuses mises à mort à un moment, même si cela amène surement à l'épuisement du spectateur et aide à plonger dans ce "quotidien" si particulier, on pourrait presque côtoyer la lassitude et l'ennui paradoxalement.

En tout cas, c'est un film qui ne peut pas laisser indifférent et qui ramène le débat de la corrida d'une façon déroutante, entremêlant beauté, grâce, horreur et vulgarité, pouvant même donner raison à tout le monde selon son interprétation. Et le toréador, symbole de virilité et de narcissisme, rajoute incontestablement à l'aura hypnotisante du film.

09/04/2025 10:24:59

Bizarrement je n'ai pas trouvé le dispositif si répétitif que ça, à part peut-être dans le dernier quart d'heure. J'ai eu comme l'impression que chaque nouvelle arène (même si en fait je pense que là dessus comme ailleurs le montage trompe énormément) apportait une information supplémentaire, ou une variation un peu subtile d'un rituel qui, c'est vrai, est montré dans une forme d'immuabilité. En tout cas le film,  très travaillé/fabriqué (de la lumière au son) conserve quand même une apparence très simple mais soulève chez moi des impressions paradoxales voire contradictoires. C'est donc assez réussi.