Sans filtre

Avis

Découpé en trois parties très hétérogènes, le film commence plutôt bien. On retrouve d'abord l'humour mordant légèrement décalé qui fait la marque d'un certain cinéma européen moderne, servi par des scènes et plans qui tirent en longueur et en gène. Petite critique gentillette d'une certaine jeunesse propulsée au rang de petite-bourgeoisie par son physique - les influenceurs pour ne pas les nommer. Mais au final, c'est la relation Carl-Yaya qui demeure au centre et je m'attends au mieux après cette première demi-heure.

Puis, une fois embarqué dans le deuxième acte, on oublie presque nos deux tourtereaux et le film se transforme en une (mauvaise ?) satire de quelques ultra-riches.
Non content de les tourner en un certain ridicule par leur attitude et dialogues - ma foi pourquoi pas -, on passe dans le pastiche le plus grossier lors de la scène du dîner du capitaine... Mettant d'abord mal à l'aise (dans le bon sens), la séquence tire tellement en longueur et en surenchère que plus rien n'est drôle. C'est toujours malaisant, mais cette fois pour la réalisation qui a produit ce moment de cinéma ainsi que pour les quelques cinquantenaires qui rigolent à gorge déployée dans la salle...
Alors oui, c'est poussé à fond, je suppose que c'est voulu - d'être si gras, si con, si eurk - ... Mais pourquoi ? Pourquoi ? Pour montrer que décidément, ce ne sont que des gros porcs qui gerbent et chient ce qu'ils mangent comme une sorte de grande (et fine !) parabole du capitalisme exacerbé ? Ah ben super dis-donc !
On rajoute une bonne couche (de vomi ou chiasse, au choix) avec une retransmission radio de 15 minutes d'un dialogue entre un communiste bourré et un capitaliste plein mort qui bien amicalement se rendent des citations Facebook.

Par un anti deus ex-machina (les vigiles ont visiblement disparu de leur poste d'observation où on nous les avait pourtant montrés deux jours plus tôt, eux qui n'ont certainement pas participé au dîner, puis soudain le bateau explose pour une raison trouble - ne me dites pas que c'est l'oeuvre d'une grenade à main), nous voici catapultés dans le troisième et dernier acte, pourtant le plus long - en ressenti du moins.
Ici c'est Koh-lanta, ou Sa Majesté des Mouches. On rigole encore des richards qui décidément, ne savent rien foutre de leur deux mains - wink wink comme les patrons, wink. Mais est-ce seulement réaliste ? Bref, on n'est plus à ça près. L'exploité devient la nouvelle patronne dans un renversement de situation attendu, nous laissant le loisir de quelques séquences amusantes avec un peu de réel dans l'évolution des relations entre les naufragés. La fin me remet un peu dans le film, notamment ces dernières minutes où la tension monte et monte, jusqu'à tomber à l'eau pour moi... Je n'ai aucune idée de comment j'aurais clos ce film, mais ce dernier plan me laisse perplexe...

Cet avis est déjà trop long, on va dire que c'est un miroir du film.

Je pense sans prétention que le propos est desservi. C'est raté. Raté parce que c'est trop gros. Les protagonistes sont trop riches, trop cons, trop caricaturaux. Tous les bourgeois vont aller voir ce film et se marrer devant plus riche et plus con qu'eux, c'est tout. Si c'est une fable de la société, elle est trop poussée à l'extrême. Alors oui, le dîner dégoute. Certains plans vont sans doute rester imprimé dans certaines rétines, mais ça ne fait pas un bon film. Un jump scare fera sursauter, c'est le minimum syndical. La fable est trop trop pour faire réfléchir. Et puis on brasse un peu du vent là. On tire sur l'ambulance.

Peut-être que je me trompe. Oui, peut-être qu'Ostlund est en fait déjà au 23e degré alors que moi je suis resté en arrière. Peut-être qu'il produit un discours à travers les railleries des bourgeois envers plus riche et plus con ? Ou tout autre subtilité qui m'a échappé. Moi j'ai surtout l'impression qu'un certain jury a récompensé un film qui semble dénoncer ce qu'il (le jury) représente, en se donnant bonne conscience, un peu comme un réal blanc, mâle et cis qui foutrait de la diversité dans son film pour ne pas être taxé de [insérer la tare adéquate].

Avis

Formellement sans grand intérêt, politiquement/philosophiquement bête - pour quelqu'un qui cite autant Marx dans son film, il ne l'a clairement pas lu !