Tres maladroit voire grossier par moments (deux salauds miserables dignes de la mechancete des pires gweilos HK) mais tout de meme assez magistral, dans la forme comme dans le fond.
Je pense que quelqu'un comme Sayles qui connaît bien son histoire américaine n'a pas eu de mal à trouver des exemples de briseurs de grève sadiques, la violence sociale était telle que les événements montrés dans le film font partie d'un ensemble de gréves et de répressions appelés les "Coal Wars": je joint un extrait de la page wikipedia du Massacre de Ludlow dans le Colorado, quelques années avant la bataille de Matewan, mais où s’était illustrée la même agence de détectives privés/briseurs de gréve: "Baldwin–Felts had a reputation for aggressive strike breaking. Agents shone searchlights on the tent villages at night and fired bullets into the tents at random, occasionally killing and maiming people. They used an improvised armored car, mounted with a machine gun the union called the "Death Special", to patrol the camp's perimeters" Et suffit aussi de voir bien plus tard un documentaire comme Harlan County, USA qui est tourné dans des mines de charbon ayant connu des gréves/massacres similaires dans les années 30 et suit un autre conflit syndical 40 ans plus tard et on y voit les flics/agents de la compagnie qui tirent sur l’équipe de tournage oklm.
Est-ce que c'est possible, ceci-dit, que le film fasse plus une synthèse de ces méfaits qu'un exemple réel ? Je veux dire, genre, ici la brisure de grève est virulente, mais elle synthétiserait plusieurs types de brisures de grève réels avec un peu moins d'ampleur, plutôt que la représentation exacte d'un exemple réel de brisure de grève avec la même somme de descriptions que dans le film. (a priori, de ce que tu dis, Matewan a l'air de ne faire aucune exagération)
Il faudrait que je le revoie pour avoir le détail, mais le film recrée un événement réel (la Bataille de Matewan), et le nombre de morts lors de la fusillade est le même dans le film que dans la réalité. Ce qui se passe avant et les détails peuvent avoir été dramatisés et synthétisés comme tu le dis (la torture du mineur potentiellement, il n'y a pas ça sur wikipedia mais qui sait si ce n'est pas arrivé dans une autre grève), vu que je pense que le film fait un portrait plus large des rapports de force des communautés minières entre elles et face aux menaces, en s'inspirant sans doute de plusieurs sources, avant de mener vers un événement historique précis.
Je poursuis ma découverte de John Sayles après l’excellent City of Hope. On reconnaît définitivement la patte du cinéaste, notamment sa fibre sociale à travers un film qui est mine de rien assez engagé. Même si on a un personnage principal avec ce syndicaliste incarné par Chris Cooper, l’idée reste avant tout de décrire une communauté, un vrai petit microcosme social avec cette petite ville de mineurs où chacun a ses intérêts, où les ouvriers sont syndiqués mais veulent exclure les noirs, qui eux-mêmes n’aiment pas les italiens… Bref ça tisse une toile plutôt complexe et nuancée, à l’exception sans doute des deux agents de la compagnie qui sont quant à eux de purs salauds bien jouissifs à voir en action.
Le film ne manque pas de montées en intensité, je pense notamment à un long segment autour du meurtre potentiel d’un personnage qui joue du montage alterné pour bien étirer le suspense, ou encore ce climax que n’aurait pas renié Peckinpah. Mais le film trouve aussi sa valeur dans ses moments plus calmes, ses petits instants de vie qui montrent la communauté exister en mettant notamment en avant la musique comme un vecteur de lien.
Un beau film engagé autant qu’un beau film de cinéma.