No Home Movie

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Commentaires
12/11/2016 04:02:44
"Ils m'ont ouvert les yeux sur beaucoup de choses : les rapports entre un film et son propre corps, le temps comme la chose essentielle d'un film, le temps et l'énergie. C'est en regardant leurs films que j'ai trouvé le courage de tenter autre chose." Chantal Akerman, à propos des cinéastes expérimentaux américains (Mekas, Warhol, Snow...)

"La personne qu'on filme est en train de vieillir et mourra. On filme donc un moment de la mort au travail. La peinture est immobile ; le cinéma est intéressant, car il saisit la vie et le côté mortel de la vie." Jean-Luc Godard dans un entretien que je ne retrouve plus (aux Cahiers il me semble).

Ces deux citations, assemblées l'une avec l'autre, résument assez bien, me semble-t-il, ce qui m'a profondément touché dans ce film. Une oeuvre magnifique.
18/11/2016 22:41:19
Le concept est vraiment bien, mais je le range avec le dernier Haneke dans ce que j'appellerais les "films de la déprime", moi ça me fait flipper ce genre de trucs.
18/11/2016 23:21:26
Zoomat d'une part je le trouve tout de même bien plus intéressant que le dernier Haneke, mais ça n'engage que moi, et d'autre part je ne le trouve pas si déprimant que ça le film d'Akerman.

Alors certes la mort de sa mère l'a profondément attristé, et c'est quelque chose qui transparaît à travers une nostalgie omniprésente, mais jamais le film ne va se complaire dans cette nostalgie. Il va justement, par des procédés d'une simplicité remarquable, faire vivre ces images au présent, et nous montrer que le cinéma a ce pouvoir là de défier la mort en capturant la vie. C'est pour cette raison que j'ai cité Godard, je trouve que ce qu'il dit (dans les années 60 je crois) s'accorde parfaitement à ce film-là. En faisant ce film, Chantal Akerman a offert à sa mère l'immortalité. Et je trouve ça absolument magnifique justement parce qu'on a accès à toute la vitalité de cette femme. C'est en cela que le film est très différent du Haneke, qui cherche plutôt à nous montrer la mort.
Pour faire court : Akerman filme une vieille femme en train de vivre, Haneke filme une vieille femme en train de mourir.
18/11/2016 23:23:37
Mais je suis content que tu ais eu la curiosité de le voir, je ne pensais pas que ma suggestion allait fonctionner. :hap:
18/11/2016 23:37:36
Quand je disais que ça me déprimait, c'était pas forcément vis à vis de la disparition de la mère (ou sa santé qui se détériore), mais simplement de ce que le film montrait, ces moments de vie qu'il présente et qu'il sacralise, alors que moi j'ai plutôt tendance à les fuir. A l'image de la discussion où elles parlent de leurs enfances et de leurs parents, en exprimant leurs ressentis et en exagérant les faits juste pour remplir une conversation.
18/11/2016 23:56:34
Ah oui je comprends mieux ce que tu voulais dire, mais je trouve justement ces instants magnifiques. La discussion dont tu parles est l'une des scènes qui m'a le plus touché dans le film, car derrière ce qui est dit, qui peut sembler superficiel, exagéré et un peu vain (ça sert à meubler la conversation), j'y vois un profond amour qui tente de s'exprimer. Les mots employés n'ont pas tellement d'importance, ce qui compte, c'est de sentir cet amour, d'y avoir accès. Et là encore c'est un grand pouvoir du cinéma d'être en mesure de dévoiler ce qui se cache derrière les apparences, ce qui est invisible. Une même conversation dans un livre aurait paru tout à fait superficielle (de même que dans beaucoup de mauvais films d'ailleurs), mais ici Akerman, grâce à sa caméra, grâce à son regard, parvient à saisir l'élan de vie d'une telle discussion (ce qui est très beau à mon sens, en plus de se rapprocher de ce qui fait l'essence-même du cinéma, à savoir la captation de la vie).
19/11/2016 00:09:35
Je peux comprendre qu'on trouve ça très beau et qu'on chérisse ce genre de moments, et c'est en ça que je peux apprécier le concept du film. Mais voilà moi rien que le fait qu'on ressente le besoin de ré exprimer maladroitement son amour et son histoire (qu'on va forcément aborder d'un ton plus léger que ce qu'elle signifie vraiment), ça ne m'évoque que des émotions négatives et éprouvantes.
Et puis c'est renforcé par ce qu'implique cette façon de filmer "sur le vif", à savoir des choses de la vie pas forcément glorieuses, la respiration difficile de la réalisatrice, la petite fille qui manque de tomber en voulant s'assoir à côté de sa grand mère, tout ça ça ne peut que me déprimer, j'ai du mal à y voir de la beauté.
19/11/2016 00:19:16
As-tu déjà songé à la possibilité qu'il puisse y avoir de la beauté dans quelque chose de déprimant ?
19/11/2016 00:20:35
Non. :hap:
07/01/2017 11:05:02
L'exercice de No Home Movie est simple : par des fragments d'images prises avant son décès, Chantal Akerman filme sa mère, en en faisant un portrait humble et presque égayant tant la vieille femme déborde de vie.
Et c'est justement de ça dont il est question ici : faire revivre par le dispositif cinématographique une personne dont on devine que la mort a profondément affecté le réalisateur. Certains passages sont longs certes mais il y a une présence, celle de cette vieille femme qui est réjouissante tant elle semble cinégénique et tant sa joie de vivre est manifeste; d'autant plus quand elle parle à travers son ordinateur, créant au passage des instants uniques et singulièrement beau tant Akerman prend du plaisir à filmer sa mère. Si elle rappelle au détour d'une conversation qu'avec internet il n'y a plus de distance c'est pourtant de l'amertume qui semble poindre dans sa voix tant la volonté d'être à ses côtés est tangible.

Pourtant le portrait manque à ses devoirs par instants, errant entre l'artificialité de certaines conversations dont on se doute qu'Akerman fait volontairement parler sa mère pour enregistrer et mettre en boîte - du moins je le suppose - et surtout la simplicité du dispositif dont la réalisatrice use pour compiler son métrage. Et s'il s'agit de sa propre mère, on en vient à regretter les apparitions devant sa caméra de la réalisatrice qui évoque volontairement des passages de son enfance pour densifier les abords de son oeuvre.

Mais c'est peut-être à 25 minutes de la fin que survient la plus grosse faute de goût. Le documentaire bascule alors dans la léthargie de la monstration pure et simple d'une vieille femme en train de lâcher prise, absente et faiblissant. C'est un contre-point qui vient complètement achever le travail accompli jusque-là. Alors le faux-pas ne dure pas longtemps et Akerman substitue à ces errements des images en extérieurs et en intérieur de toute beauté, pour effacer la mort et la métaphoriser, la rendre tangible par l'absence, le vide et la mélancolie qui émane de ces dernières prises. Mais le mal est fait...

Dommage...