Notes
Lettre de Sibérie
Chris Marker - 1957
Chef d'oeuvresque oui ! Tomu Uchida y insuffle ce même souffle romanesque digne des plus grands films japonais, à mes yeux l'aventure a été aussi riche et éprouvante que l'a été La condition de l'homme.
En plus de mettre sur pied un incroyable polar prenant et rigoureux jusque dans les détails délaissées dans la première partie, là où le film surprend c'est dans les nombreuses ramifications - sur une décennie- dans lesquelles il va se diriger en fonction des trois personnages au cœur de l'affaire : le flic en charge du dossier, le malfrat et la prostitué.
Embranchements qui rejoignent le même carrefour, une magnifique fresque d'un japon d'après guerre dans la misère d'une vie sous occupation américaine, l'émergence de marché noir et de mafia locale, détresse dans laquelle le pays va devoir se reconstruire.
Ce qui m'a le plus impressionné c'est que ce grand portrait japonais se fait par le biais de la prostituée que je trouvais désagréable avec sa voix criarde, elle a même droit à certaines des séquences les plus mémorables : cet incroyable travelling dans la ruelle qui dure plusieurs minutes!
Rentarô Mikuni je l'adore, je l'ai découvert dans les films de Satsuo Yamamoto incarne là aussi un personnage qu'il affectionne particulièrement, sans trop spoiler on retrouve ce même miséreux en quête de rédemption qui tente de se reconstruire par le mensonge et l'apparence (on a vraiment l'exacte personnalité que dans Tale of Japanese Burglars). Il incarne ces personnes pour qui les turbulences d'un pays en plein mouvement a été profitable.
Ensuite Isao Tomito me confirme une ultime fois qu'il a été un des plus grands compositeurs de son temps, il faut entendre ces espèces de chœurs mortuaire qui accompagnent le voyou quand celui-ci est dans la tourmente la plus intense, je me revois Tatsuya Nakadai et son interminable marche pour la survie dans le Kobayashi.
Je ne m'attendais pas à ce que ce Tomu Uchida emprunte au film policier pour dresser un portrait si réaliste et caustique sans tomber dans le piège de la caricature (ce à quoi n'avait pas échappé le Kobayashi dans sa première partie du moins...).
Un immense film que je place sans conteste aux côtés de La condition de l'homme (partie 3) malgré 45 dernières minutes d'interrogatoires que j'ai trouvé un peu trop longues et avec cet ongle qui malheureusement pour lui me faisait sourire à chaque fois qu'on l'ôtait de son tissu.
J'adore Uchida mais j'ai toujours pas vu ce film parce que 3h + pas un jidaigeki. Mais là va falloir que je m'y mette je pense.
Si ça peut te rassurer les 2h15 passent toutes seules (et j'étais très crevé en plus quand je l'ai vu), on peu dire que les registres changent en fonction des personnages à l'écran donc c'est vraiment emballant de constater que Uchida excelle dans toutes les parties. Il y a de l'enquête, un peu de romance, de la misère sociale, de la survie, tout ça enrobé dans une vaste fresque humaine.
La dernière partie moi j'ai toujours un peu de mal dans les films d'enquête donc je l'ai vu passer celle là.
Pour ma part c'est mon premier Uchida, je pense continuer avec les Musashi sous les conseils de Masamune.